Les prévisions de performance financière des compagnies aériennes dans le monde ont été révisées à la hausse récemment par Iata, qui table sur un profit net en 2024 de 30,5 milliards de dollars. Afin de mettre ce chiffre en perspective, la compagnie pétrolière ExxonMobil a reversé en 2023 à ses actionnaires 32,4 milliards de dollars de dividendes et a réalisé un bénéfice net de 36 milliards de dollars en 2023, les deux dépassant donc le profit de l’ensemble des compagnies aériennes.
Par passager, le bénéfice net anticipé en 2024 des compagnies aériennes serait de 6 dollars – à peine le prix d’un grand café à Genève. La moyenne varie sensiblement d’une région à une autre. Les compagnies aériennes au Moyen-Orient réalisent un profit de 15 dollars par passager, tandis qu’en Afrique le profit ne s’élève qu’à un dollar. Entre ces performances se situent l’Amérique du Nord avec 13 dollars, l’Europe à 7 dollars, suivis par l’Amérique latine et l’Asie entre 1 et 2 dollars.
Le carburant (kérosène) constitue le principal coût des compagnies aériennes, à plus de 30% du total. L’idéal serait que toutes les compagnies aériennes dans le monde paient le même prix pour le kérosène, mais ceci n’est malheureusement pas le cas. Actuellement, le prix est plus élevé que par le passé en Europe à cause des difficultés éprouvées par le transport maritime. Ces difficultés sont occasionnées par la sécheresse qui perturbe le transit par le Canal de Panama, ainsi que par la guerre au Moyen-Orient. Les systèmes d’approvisionnement et de distribution, les taxes, ainsi que d’autres facteurs influencent également les prix. L’Afrique paie en moyenne 20% de plus que les autres régions pour son kérosène, pénalisant ainsi directement les profits des compagnies aériennes de cette région.
Afin de réaliser la transition énergétique, il faut augmenter rapidement la quantité de carburant d’aviation durable produite pour que les économies d’échelle puissent en faire baisser les prix
Marie Owens Thomsen
Les différences de prix du kérosène entre régions peuvent également influencer le comportement d’une compagnie aérienne en ce qui concerne son choix d’aéroport pour le ravitaillement, ainsi que la quantité de kérosène à bord. Ces choix, en outre, peuvent réduire ou augmenter les émissions de CO2, qui dépendent de la quantité de kérosène utilisé. Si le prix était le même partout, l’optimisation favoriserait davantage les solutions les plus efficaces, et le champ concurrentiel serait davantage égalitaire. Peu d’industries sont aussi globales que l’aviation, et toute fragmentation des prix et des règles concernant les opérations et autres entraînent des répercussions sur l’ensemble du réseau mondial des compagnies aériennes.
Le carburant d’aviation durable, produit à partir de matières premières renouvelables et non fossiles, est deux à cinq fois plus cher que le kérosène d’origine fossile. Ceci est un vrai défi pour les compagnies aériennes, étant donné leurs marges très faibles, anticipées à 3% nettes en 2024. Afin de réaliser la transition énergétique du transport aérien, il faut augmenter rapidement la quantité de carburant d’aviation durable produite dans le monde dans l’optique non seulement d’en assurer l’approvisionnement mais également pour que les économies d’échelle puissent faire baisser les prix. La demande est assurée, car les compagnies aériennes cherchent à acheter du carburant d’aviation durable. Mais l’offre anticipée de ce carburant d’aviation durable en 2024 ne représente pourtant que moins de 0,5% de la totalité du carburant utilisé par l’aviation.
En réalité, la durabilité financière et la durabilité environnementale des transports aériens vont de pair, et il ne sera pas possible d’avoir l’un sans l’autre.