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La démocratie vacillante

Les dernières élections européennes ont vu l'avènement de partis faisant fi de la démocratie et affichant même une certaine complaisance à l'égard des régimes autoritaires. Par Jacques Neirynck

Aux dernières élections européennes en France, l'extrême-droite a fait un véritable carton, et le Rassemblement National (RN) se trouve plus que jamais aux portes du pouvoir.
KEYSTONE
Aux dernières élections européennes en France, l'extrême-droite a fait un véritable carton, et le Rassemblement National (RN) se trouve plus que jamais aux portes du pouvoir.
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
17 juin 2024, 16h16
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Selon Winston Churchill, «la démocratie est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres». Dans la conjoncture actuelle, c’est la seule définition à laquelle on puisse se raccrocher, car le système est largement contesté. Les élections européennes en France viennent d’en fournir une preuve aveuglante: la droite extrême rassemble presque 40% des votants. Dans d’autres pays de l’UE, la même tendance s’affiche, à l’exception notable des pays scandinaves.

En Suisse, le Conseil national vient d’en donner un indice: le président du parlement ukrainien a reçu un accueil pour le moins mitigé, allant jusqu’au boycott et un esclandre. En résumé, on pourrait considérer que les droites européennes éprouvent une certaine indulgence, voire de la complaisance, pour les systèmes autoritaires, parce qu’elles remettent en cause la démocratie.

Une cause, bien dissimulée, pourrait être la Chine, parce qu’elle devient la seconde puissance économique mondiale. Malgré son régime autoritaire, elle réussit en économie, alors que l’on croyait jusqu’à présent que les dictatures engendraient inévitablement la pénurie.

C’est ce postulat qu’il convient de réviser à l’épreuve des faits. Il y aurait donc des systèmes autocratiques et efficaces, précisément parce qu’ils ne sont pas démocratiques. En matière de réussite économique, la démocratie ne serait plus une condition nécessaire, ni même suffisante.

Si elle est prise très au sérieux comme en Suisse, elle réussit. Si elle donne lieu à des accommodements comme dans la monarchie républicaine française, elle va moins bien. En dessous d’un certain niveau de prospérité, comme en Haïti et en Afrique, elle dysfonctionne totalement. Cela se comprend: si les décisions importantes sont prises ou largement influencées par l’ensemble des citoyens, encore faut-il que ceux-ci en soient capables, c’est-à-dire formés, informés et raisonnables.

Il y aurait donc des systèmes autocratiques et efficaces, précisément parce qu’ils ne sont pas démocratiques

Jacques Neirynck

La possibilité d’une démocratie serait donc la récompense d’une longue évolution vers la solidarité, l’égalité, la bienveillance, la tolérance. L’instaurer d’autorité dans une autre situation ne sert à rien, car elle s’effrite tout de suite dans la corruption, la démagogie, jusqu’à la guerre civile et le terrorisme. Ce fut pratiquement la règle lors de la décolonisation de l’Afrique.

Le conflit du Moyen-Orient en est une illustration analogue. Le peuple premier palestinien est submergé par une authentique démocratie israélienne: il ne parvient pas à constituer des institutions crédibles au point de se jeter dans les bras d’un mouvement terroriste, auquel répond la destruction de Gaza par l’Israël démocratique.

La démocratie ne serait donc ni une option disponible, ni une panacée. Elle n’anticipe pas le développement politique, économique, culturel, dont elle constituerait un résultat, une opportunité, un ornement.

Elle ne peut s’exercer qu’au terme d’un apprentissage historique qui prend des siècles, sept en Suisse. C’est la récompense d’une vertu singulière d’ordre culturel ou même spirituel:  la reconnaissance de  tout autre citoyen en tant qu’égal, méritant le respect, y compris ses convictions les plus dérangeantes.