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La culture, plus qu’une activité ludique et gratuite

Il y a quelques décennies, le théâtre exploitait un répertoire littéraire prestigieux. Mais la gauche est passée par là. Par Jacques Neirynck

«Plutôt que de proposer la culture traditionnelle, les municipalités urbaines souvent dominées par la gauche ont évacué les grands auteurs.»
KEYSTONE
«Plutôt que de proposer la culture traditionnelle, les municipalités urbaines souvent dominées par la gauche ont évacué les grands auteurs.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
25 juillet 2024, 14h52
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La culture fut trop longtemps considérée comme la cerise sur le gâteau, une activité ludique et gratuite, réservée à l’élite des gens éduqués et privilégiés, dont le commun des mortels pouvait être privé pour se borner au quotidien. Mais il est devenu possible de la considérer comme essentielle, seule capable de donner du sens à ce qui n’en aurait pas, faute de réflexion et de distance.

Si l’on revient quelques décennies en arrière, de même que la musique était celle des orchestres symphoniques et que la peinture était figurative, le théâtre exploitait un répertoire littéraire prestigieux: Molière, Racine, Beaumarchais Shakespeare, Rostand, Tchekhov, Feydeau, Claudel.

Ces œuvres mettent en scène des figures intemporelles: l’avare, le séducteur, le jaloux, les amants contrariés. Leurs avatars sont croqués pour aider à débusquer les équivalents dans l’entourage de chaque spectateur. Ce qu’il subit n’est pas une vexation personnelle, un hasard immérité, une malédiction arbitraire: cela participe de la nature humaine déchirée entre le bien et le mal, l’amour et la haine, le comique et le tragique. Cela apprend à relativiser les événements les plus pénibles. En un mot, cela enseigne à vivre, à transcender le quotidien. Le théâtre fut un psychodrame collectif. Allaient au théâtre, à l’opéra, au concert ceux qui en avaient les moyens, financiers et intellectuels, une formation classique incluant le latin et la mythologie antique. Aux autres ils concédaient les fanfares, le football, la bière au goulot, le bal musette. C’était aussi injuste que de réserver la formation, les soins de santé, la gestion à une classe de privilégiés.

Aujourd’hui, on ne va pas au théâtre pour se distraire mais pour conforter les préjugés bobos

Jacques Neirynck

Depuis, il y eut un effort politique pour mettre la culture à la portée de toutes les bourses en la subsidiant. En Suisse multiculturelle, cet effort n’est forcément pas l’apanage de la Berne fédérale. C’est l’affaire des cantons et spécialement des villes appuyées par le mécénat.

Or, les municipalités urbaines sont souvent dominées par la gauche qui pointe en priorité son électorat et sa propre réélection. Plutôt que de proposer la culture traditionnelle, décrite plus haut, elles préjugent que celle-ci est inaccessible au commun des mortels: les grands auteurs sont évacués. Il faut inventer un autre théâtre à la portée du peuple, c’est-à-dire immergé dans l’actualité la plus immédiate. Une représentation met en scène un sujet de société contemporaine: le sexisme, le capitalisme, la mondialisation, les inégalités. Les œuvres, bricolées par les metteurs en scène, vont jusqu’à dire au public ce qu’il doit penser.

Les comédiens ont pris l’habitude de chuchoter, de grommeler, de tourner le dos au public, de ne plus émettre une parole audible, parce qu’elle est dérisoire, plate, banale, insignifiante. Ce n’est plus de la littérature mais de la «com» de gauche. Cela ne suggère plus un sens pour le monde mais au contraire le décrit comme insensé, injuste, déchiré, inexplicable. On ne va pas au théâtre pour se distraire mais pour conforter les préjugés bobos.