La proposition des syndicats et de leurs mouvements alliés d’introduire une 13e rente AVS semble à première vue aussi séduisante qu’une bonne dégustation de chocolat. Cependant, cette initiative, malgré son apparence alléchante, mérite un «non» catégorique et bien réfléchi.
Le comité d’initiative de la 13e rente AVS est en fait comme un maître chocolatier qui tenterait de concocter une nouvelle recette toute simple (un seul article de notre Constitution serait modifié) pour satisfaire tous les palais, sans considérer l’équilibre des saveurs et surtout, le coût des ingrédients.
Le financement de cette 13e rente n’est pas couvert par cette initiative. Or avec le vieillissement constant de la population, le pot commun de l’AVS est déjà très sollicité. Ajouter une rente supplémentaire transformera assurément la situation financière précaire de l’AVS en un bateau qui prend l’eau. En effet, le déficit de l’AVS est d’ores et déjà acté dès la mise en vigueur de l’initiative, soit en 2026.
Qui passera à la caisse? Ce sont une fois de plus les travailleurs que les syndicats soutiennent normalement (!)
Luc Oesch
Qui passera à la caisse? Ce sont une fois de plus les travailleurs que les syndicats soutiennent normalement (!), notamment les plus jeunes et les familles, déjà confrontés à de lourdes charges et à des défis qui rendent par exemple l’achat d’un appartement ou d’une maison souvent impossible. On augmentera ainsi immanquablement les cotisations salariales et la TVA, cet impôt au fond assez antisocial et qui pénalise les échanges économiques, mais que tous cherchent à relever pour financer telle ou telle prestation…
Est-ce vraiment la direction que nous souhaitons prendre? Il est intéressant de rappeler que lorsque l’assurance-vieillesse et survivants a été introduite en 1948, le rapport entre les actifs cotisants (âgés de 20 à 64 ans) et les plus de 65 ans bénéficiaires de rentes était de plus de six pour un. Ce rapport se situe désormais à un peu plus de trois pour un et tombera à deux pour un environ d’ici à 30 ans. Autrement dit, d’ici à 2054, seuls deux actifs financeront une personne à la retraite. En réalité, la 13e rente AVS détourne l’attention des réformes indispensables pour assurer la pérennité du système de prévoyance en Suisse. C’est distrayant, certes, mais loin de résoudre le problème principal.
Ainsi, au lieu de s’emballer pour une 13e rente qui va coûter cher aux générations futures et que les bénéficiaires n’auront jamais préalablement financée pour leurs propres parents (entre 4 et 5 milliards de francs chaque année!), envisageons des alternatives plus durables. Par exemple, en travaillant sur des mesures ciblées pour aider les retraités les plus nécessiteux à l’aide des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, outils performants et méconnus.
En conclusion, dire non à la 13e rente AVS n’est pas un rejet des valeurs de solidarité, mais un plaidoyer pour une approche plus équilibrée et durable. Après tout, dans le chocolat comme dans les systèmes de prévoyance pérenne, c’est l’équilibre des ingrédients qui fait toute la différence.