Lors d’une des dernières conférences auxquelles j’ai assisté, un manager a partagé, avec beaucoup d’émotion, son désarroi face à la détresse d’un de ses collaborateurs qui a mis fin à ses jours sur son lieu de travail. Peu après, les révélations sur le harcèlement sexuel au Chuv ont exposé une autre facette, tout aussi inquiétante, de la souffrance au travail. Comment, face à ces réalités, ne pas s’interroger sur la façon dont nos entreprises et institutions prennent en charge la détresse de leurs employés?
Dans de nombreux secteurs, qu’il s’agisse du monde financier, du monde médical ou d’autres environnements à haute pression, la performance prime souvent sur le bien-être. Pourtant, la prévention de la souffrance ne devrait pas être une option, mais une responsabilité fondamentale des organisations. Un sondage de 2023 de la SSR révèle que 17% de la population suisse a déjà souffert du syndrome d’épuisement professionnel (burn-out). Et que près d’un tiers des salariés en Suisse a déjà subi du harcèlement sexuel durant la vie professionnelle!
Un management qui doit assumer son rôle
La culture du «tenir bon» est omniprésente dans de nombreuses entreprises et pousse encore trop souvent les salariés à encaisser en silence, de peur d’être perçus comme faibles ou incompétents. Un employé en détresse hésitera à parler s’il craint d’être jugé, mis à l’écart ou même poussé vers la sortie.
Il est temps que les dirigeants comprennent que leur rôle ne se limite pas à la gestion de la performance. Un management efficace repose sur un climat de confiance, où chacun peut exprimer ses difficultés sans crainte de représailles. Encourager le dialogue, proposer des solutions d’accompagnement ne sont pas des «gestes bienveillants», mais des impératifs pour assurer la pérennité des entreprises.
Les ressources humaines: un levier sous-exploité
Les services de ressources humaines devraient être le rempart contre la souffrance au travail. Pourtant, ils sont encore trop souvent perçus comme une simple interface administrative, voire comme un prolongement de la direction. Combien d’employés osent réellement signaler leur souffrance, s’ils craignent que leur parole soit minimisée ou pire, qu’elle se retourne contre eux?
Si les RH veulent jouer pleinement leur rôle, elles doivent évoluer. Cela implique des actions concrètes:
- créer une écoute active et confidentielle;
- mettre en place des mécanismes de signalement efficaces;
- assurer une prise en charge rapide et impartiale des plaintes;
- développer une culture de prévention.
Changer la culture du travail: une nécessité, pas une option
Ces drames récents rappellent que la souffrance au travail n’est pas un problème individuel. Un salarié qui se sent respecté et soutenu est plus productif, plus loyal et plus investi. La question n’est plus de savoir s’il faut agir, mais quand les entreprises accepteront enfin d’assumer leur responsabilité.