Que pourront donc bien apporter les Bilatérales III à un canton comme Fribourg? Si son industrie y est forte, dynamique et innovante, ses exportations de 5,4 milliards de francs en 2023 ne constituent en effet qu’un bon quart de son produit intérieur brut (PIB) annuel. Loin derrière les plus de 40% que l’on constate au niveau suisse. A des années-lumière des largement plus de 50% enregistrés dans des cantons très industrialisés, comme Neuchâtel et le Jura. Pour Fribourg, l’enjeu de la politique européenne pourrait donc presque être considéré comme secondaire, la diversification de son économie constituant une garantie de solidité presque à toute épreuve.
Une telle analyse serait pourtant trompeuse. Si Fribourg peut s’appuyer sur une économie largement orientée sur le marché intérieur, grâce à la vigueur de la construction et de son industrie alimentaire, le canton n’en est pas moins interdépendant des autres cantons. Si le domaine du bâtiment reste en plein essor, c’est aussi parce que les besoins en infrastructures et en immeubles ont été générés par le dynamisme du commerce international, dont les volumes ont presque triplé en 20 ans au niveau national.
Jouer la carte d’une coopération structurée avec ses voisins tombe sous le sens
Philippe Gumy
Le canton de Fribourg compte en outre des centaines de sous-traitants d’entreprises internationales, que ce soit dans l’horlogerie, l’industrie des machines, les techniques médicales, la pharma ou encore l’industrie alimentaire. Au moins un quart de la production de gruyère finit chaque année dans les assiettes de nos voisins européens.
Dans une enquête menée en octobre, les deux tiers des membres de la Chambre de commerce et d’industrie du canton de Fribourg (CCIF) n’ont d’ailleurs manifesté aucun doute: les Bilatérales III devraient favoriser selon eux l’essor économique de la Suisse. Et si toutes les entreprises ne sont pas directement concernées pour leurs propres affaires, les retombées ne peuvent que leur être profitables.
Plus généralement, de nouvelles bases de relations avec les Vingt-Sept, stables, prévisibles et apaisées, sont indispensables dans le nouvel ordre économique mondial qui se dessine depuis des années et va désormais s’accélérer avec la reconfiguration de la politique américaine. Les tensions commerciales sont appelées à se multiplier. Les frontières vont devenir moins perméables. Qu’on la déplore ou la salue, cette réalité s’impose à chaque entreprise exportatrice. Dans un tel contexte, jouer la carte d’une coopération structurée avec ses voisins tombe sous le sens. Les entreprises ont hâte de connaître l’issue des négociations entre la Confédération et Bruxelles.