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Etre prospère mais travailler moins, l’impossible équation

Le rapport Draghi sur la compétitivité de l’Union européenne vu de Suisse. Par Véronique Kämpfen

«La génération Z se caractérise par une volonté marquée de ne pas travailler à temps plein, hommes et femmes confondus.»
KEYSTONE
«La génération Z se caractérise par une volonté marquée de ne pas travailler à temps plein, hommes et femmes confondus.»
Véronique Kämpfen
FER Genève - Directrice de la communication
26 septembre 2024, 19h55
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L’Europe est une économie prospère. Mais de moins en moins, selon le rapport Draghi, du nom de l’ancien chef de la Banque centrale européenne qui a travaillé à une analyse approfondie de la compétitivité au sein de l’UE. Le Vieux Continent fait notamment beaucoup moins bien que les Etats-Unis et même ses économies les plus prospères, dont la Suisse fait partie aux côtés du Danemark ou de la Suède, doivent se remettre en question. En Suisse, six cent mille entreprises forment le paysage économique. Le seul secteur de la pharma a une influence considérable. Cette dernière décennie, l’économie suisse a progressé de 0,9% par an. Sans la pharma, cette croissance n’aurait été que de 0,4%.

A cette fragilité du système s’ajoute le fait que le nombre d’actifs en Suisse est en recul constant. Vouloir compenser ce manque par de la main-d’œuvre importée a des effets malvenus sur les infrastructures et le logement, sans parler des tensions politiques qui peuvent s’ensuivre.

Le fait d’avoir des enfants à charge n’est pas la seule explication du temps partiel féminin.

Véronique Kämpfen

Selon les experts, le seul moyen de maintenir notre prospérité est de travailler plus et de manière plus efficiente. C’est l’exact contraire de la tendance actuelle auprès des travailleurs, qui aspirent largement à travailler moins. Les hommes goûtent de plus en plus le temps partiel et les femmes, qu’elles soient qualifiées ou non, y sont très attachées. Six femmes sur dix travaillent à temps partiel et lorsqu’elles ont des enfants en bas âge, elles sont huit sur dix à le faire.

Le fait d’avoir des enfants à charge n’est pas la seule explication du temps partiel féminin. Trente-neuf pourcents des femmes qui vivent en couple et n’ont pas d’enfants travaillent à temps partiel. C’est également le cas d’un tiers des femmes célibataires sans enfant. Autre fait étonnant, c’est dès l’âge de 25 ans que les femmes commencent à travailler à temps partiel, souvent avant de fonder une famille. On voit ainsi que le temps partiel est, pour de larges pans de la population, un choix à long terme.

Le niveau de formation ne joue pas un rôle prépondérant. Le temps partiel est aussi très répandu parmi les femmes ayant fait de longues études, comme la médecine. Ce phénomène renforce la pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.

Cette conception du travail répond à des rôles de genres qui semblent ancrés dans toutes les générations. La génération Z, soit les personnes au début de la vingtaine aujourd’hui, se caractérise par une volonté marquée de ne pas travailler à temps plein, hommes et femmes confondus. Cela signifie que le problème soulevé par le rapport Draghi a plus de probabilité de se renforcer que de s’atténuer. C’est un réel enjeu socio-économique auquel nous allons devoir faire face rapidement. Rien que ces dix prochaines années, 170.000 personnes de plus qui quitteront le monde du travail, soit davantage que de personnes qui y entreront. Si les nouveaux actifs travaillent toujours plus à temps partiel, le manque ne fera que se creuser et la prospérité baisser. L’avenir nous dira jusqu’à quand cette équation pourra tenir.