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Elargissement des autoroutes: de l’utilité des bonnes comparaisons

Le report modal lié à l’élargissement des voies de circulation pour les voitures n’implique pas que l’investissement est inutile, mais simplement que son bénéfice va aussi aux personnes restant dans le train.

«Si l’on croit qu’augmenter la capacité est une mauvaise idée, alors cela implique que la réduire en est une bonne. Mais personne ne fait de proposition dans ce sens.»
KEYSTONE
«Si l’on croit qu’augmenter la capacité est une mauvaise idée, alors cela implique que la réduire en est une bonne. Mais personne ne fait de proposition dans ce sens.»
Cédric Tille
Graduate Institute Geneva - Professeur d’économie
06 novembre 2024, 15h45
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Un argument majeur des opposants au financement des autoroutes sur lequel nous voterons le 24 novembre est qu’augmenter la capacité induit un report du train vers la route. C’est exact, mais cela n’implique pas que le projet soit un gaspillage, la congestion étant au final réduite. Si la hausse future de la population mettait plus de pression sur les infrastructures, ne pas les adapter exacerberait le problème.

La réaction des pendulaires à la congestion

Prenons un cadre d’analyse simple pour analyser le choix entre la voiture et le train, avec l’accent sur la congestion. Plus les gens utilisent un moyen de transport, plus la congestion est élevée. Le graphique ci-dessous illustre le choix qui en résulte. Nous considérons une population pendulaire totale de 10 personnes (les chiffres sont purement illustratifs), représentée sur l’axe horizontal. Le nombre de gens utilisant la voiture se lit de gauche à droite, et celui des personnes en train se lit de droite à gauche. L’axe vertical indique le coût de congestion de la voiture (ligne rouge) et du train (ligne bleue).

Dans la partie gauche du graphique, peu de gens utilisent la voiture. Les routes ne sont pas embouteillées, mais les trains sont bondés. Cette congestion plus forte du rail est indiquée par une valeur de la ligne bleue supérieure à la ligne rouge. A l’inverse, dans la partie droite du graphique la plupart des gens prennent leur voiture et la congestion est plus forte sur les routes que dans le train.

Les pendulaires prennent la congestion en compte dans leur choix. Le point d’équilibre est alors au milieu (point A) où le coût de congestion est égalisé entre les deux modes de transport. Etre à la gauche du point A n’est pas un équilibre, car des gens cesseront de prendre le train pour utiliser leur voiture (et de même de l’autre côté).

Elargissement des autoroutes: de l’utilité des bonnes comparaisons

Impact d’un investissement routier

Un investissement dans les routes fait baisser la congestion pour un nombre donné d’usagers. L’impact est illustré dans le graphique suivant, avec un déplacement de la ligne rouge de congestion routière vers le bas (de la ligne pointillée à la ligne solide). Si les pendulaires ne changent pas leur comportement, nous passons au point B où les personnes sur la route sont contentes et celles dans le train font face à une congestion inchangée.

Mais ce n’est pas un équilibre, car les personnes s’adaptent et certaines renoncent à prendre le train. Le nouvel équilibre est au point C où la ligne bleue croise la nouvelle ligne rouge. Il y a un report modal, le nombre de voitures ayant augmenté. L’argument des opposants est donc tout à fait valable, mais il omet de souligner que, dans la nouvelle situation, le coût de congestion est plus faible qu’initialement. Le report n’implique pas que l’investissement est inutile, mais simplement que son bénéfice va aussi aux personnes restant dans le train.

Elargissement des autoroutes: de l’utilité des bonnes comparaisons

Hausse de la population

Un argument supplémentaire contre le projet soumis est que de toute façon la congestion des routes reviendra à la situation actuelle dans le futur, avec la hausse de la population. Certes, mais cela ne rend pas l’investissement inutile, bien au contraire.

Le graphique ci-dessous montre ce qui se passe si la population passe de 10 à 15. Cela étend l’échelle horizontale, déplaçant le point de départ de la ligne bleue sur la droite. Comme précédemment, l’investissement routier déplace la ligne rouge vers le bas. Nous passons donc du point A au point D, où la ligne bleue déplacée croise la nouvelle ligne rouge. Les pendulaires prennent de nouveau plus la voiture que le train et au nouvel équilibre D le coût de congestion est exactement le même qu’au point initial A (le graphique est calibré pour cela). La congestion est donc finalement inchangée. Mais l’investissement est utile, car sans lui la congestion routière serait toujours la ligne rouge pointillée et l’équilibre serait au point E avec un coût bien plus fort. En d’autres termes, la croissance de la population créée la congestion, et l’investissement la diminue.

Elargissement des autoroutes: de l’utilité des bonnes comparaisons

Cette analyse est certes simple (l’auteur n’est après tout pas un économiste spécialisé dans les transports), mais souligne les comparaisons qui sont adéquates et celles qui ne le sont pas. Tant que l’investissement réduit la congestion routière (y compris au niveau des sorties d’autoroute) pour un nombre donné de voitures, il réduit la congestion. Après tout, si l’on croit qu’augmenter la capacité est une mauvaise idée, alors cela implique que la réduire en est une bonne. Mais personne ne fait de proposition dans ce sens.