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Désaffection du gouvernement

Ce que révèle le refus des personnes qui semblaient faites pour remplacer Viola Amherd au Conseil fédéral.

«Un conseiller fédéral n’exerce pas le pouvoir de façon individuelle ou dans une équipe politiquement homogène.»
KEYSTONE
«Un conseiller fédéral n’exerce pas le pouvoir de façon individuelle ou dans une équipe politiquement homogène.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
28 janvier 2025, 15h00
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Pour remplacer Viola Amherd dont la démission imprévue n’a pas encore été élucidée, trois candidats naturels furent sollicités: Gerhard Pfister, Martin Candinas et Isabelle Chassot. Tous trois disposaient des compétences et de l’expérience adéquate au plus haut niveau. Tous trois ont refusé. Parmi les candidats du Centre qui se sont annoncés en remplacement, Philip Kutter, paraplégique, s’est annoncé.

Ce serait un beau signal si une personne en chaise roulante pouvait atteindre le poste de conseiller fédéral. Néanmoins cela pose des problèmes pratiques. Des conseillers fédéraux en bonne santé avouent souvent leur épuisement. Est-ce rendre service à Philip Kutter de le soutenir dans son ambition?

La paralysie physique d’un seul s’inscrit dans la paralysie institutionnelle de cet exécutif

Jacques Neirynck

Il y a quelque chose de symbolique dans cette candidature. La paralysie physique d’un seul s’inscrit dans la paralysie institutionnelle de cet exécutif, qui explique les refus des candidats les plus naturels.

Un conseiller fédéral n’exerce pas le pouvoir de façon individuelle ou dans une équipe politiquement homogène. Le principe de concordance impose la représentation et la collaboration de tous les partis au gouvernement, si l’on peut encore lui donner ce nom. Si cette singularité suisse est précieuse par les décisions modérées qu’elle entraîne, elle a cependant quelques inconvénients. Le moindre n’est pas l’obligation pour un conseiller de défendre devant le Parlement et les électeurs une décision qui résulte d’une majorité du Conseil fédéral et avec laquelle il peut ne pas être d’accord du tout. En d’autres mots, il peut arriver qu’il s’exprime comme porte-parole du gouvernement plus que comme ministre en charge d’un dossier. Mission pour le moins délicate et peu attrayante.

Et donc être conseiller fédéral signifie ne pas exercer la réalité mais l’apparence du pouvoir. Cela se traduit en pratique par le peu de cérémonies avec lesquelles il est traité. Il jouit certes d’un revenu confortable, mais bien inférieur à celui des dirigeants de La Poste ou des CFF. Ceux-ci sont rémunérés au niveau de leur compétence nécessaire pour gérer ces grandes machines. Un conseiller fédéral se situe à un niveau bien moins élevé de compétence. A la limite il peut même être totalement dénué d’expérience dans son dicastère: cela explique que Viola Amherd qui n’avait pas fait son service militaire avait en charge l’armée et qu’un médecin comme Ignazio Cassis ne s’occupe pas de santé, comme il la géra au Tessin, mais des affaires étrangères qui lui sont totalement inconnues.

Les institutions helvétiques sont conçues pour diluer le pouvoir: on en veut d’autant moins que l’on est qualifié pour son exercice

Jacques Neirynck

Parmi les attraits matériels de la fonction, il y a la voiture avec chauffeur, qui constitue bien un minimum. Mais pas de résidence de fonction comme Emmanuel Macron au Palais de l’Elysée ou Donald Trump à la Maison-Blanche. Lorsqu’il faut recevoir le corps diplomatique pour les vœux du Nouvel An, on est obligé de louer des locaux à l’hôtel Bellevue.

La Confédération vit à l’économie comme le souhaitent les citoyens. On se souvient encore de la suppression du libre parcours sur les remontées de ski pour les conseillers fédéraux qui procura une grande satisfaction dans l’opinion publique, toujours soupçonneuse et envieuse de ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir. Les institutions helvétiques sont conçues pour diluer le pouvoir: en l’occurrence c’est une réussite, on en veut d’autant moins que l’on est qualifié pour son exercice.