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Accord sur l’électricité Suisse-UE: une démystification s’impose!

Il ne s’agit pas d’une libéralisation «totale» et «sauvage» comme le font croire certains. Par Cenni Najy

«L’intégration de la Suisse dans les processus de coopération [avec l'Union européenne] contribuerait aussi à améliorer la stabilité du réseau.»
KEYSTONE
«L’intégration de la Suisse dans les processus de coopération [avec l'Union européenne] contribuerait aussi à améliorer la stabilité du réseau.»
Cenni Najy
Centre patronal - Responsable politique Mobilité, Energie et Environnement
19 avril 2024, 14h00
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Depuis l’ouverture officielle des négociations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) visant à conclure un nouveau paquet d’accords bilatéraux («Bilatérales III»), nous avons eu droit à une controverse technique de plus sur la question du règlement des différends ou encore de la reprise de l’évolution du droit européen pertinent. Comme lors de la première tentative de faire évoluer les accords bilatéraux vers un système plus dynamique (2014-2018), le débat tourne en rond sur les questions de souveraineté, jusqu’à en étourdir les observateurs les plus aguerris. Entre-temps, les importantes questions économiques liées à l’accès au marché intérieur de l’UE passent au second plan.

Ainsi, on oublie un peu vite que les «Bilatérales III» ne contiennent pas que des dispositions institutionnelles. Elles portent aussi sur la conclusion d’un nouvel accord d’accès au marché européen de l’électricité. Cet accord aurait de nombreux avantages pour la Suisse qui souhaite le conclure depuis plus de 15 ans. Or, ces avantages ne sont pas suffisamment thématisés, laissant la place à des mystifications ou des approximations qui ne sont pas propices à un débat éclairé. Il importe désormais de décrypter les enjeux en faisant d’abord le tri entre les mythes et la réalité.

Cet accord vise à optimiser le commerce d’électricité entre la Suisse et l’UE. Comme dans d’autres domaines commerciaux, l’UE est le principal partenaire de la Suisse (mais l’inverse n’est pas vrai). Rappelons que si la Suisse exporte une part significative de l’électricité qu’elle génère, elle en importe aussi, en particulier dans les mois d’hiver. Cette optimisation passe principalement par deux mesures. Premièrement, la participation de la Suisse au marché intérieur européen. Deuxièmement, son intégration dans plusieurs processus de coopération liés à l’exploitation du système électrique transfrontalier existant.

Contrairement à ce que plusieurs acteurs politiques laissent entendre, le futur accord sur l’électricité n’impliquera pas la privatisation des énergéticiens suisses

Cenni Najy

La participation de la Suisse au marché européen permettrait des gains d’efficacité significatifs. Il augmenterait les possibilités de vente pour les producteurs suisses en leur permettant d’accéder à des plateformes d’échange permettant d’allouer les ressources plus efficacement. Pour Swissgrid, la société responsable du réseau de transport du courant en Suisse, cet accès permettrait de participer à une plateforme d’échange d’énergie de réglage pour maintenir une exploitation optimale. En conséquence, le prix effectif payé par les consommateurs suisses devrait baisser.

L’intégration de la Suisse dans les processus de coopération susmentionnés contribuerait aussi à améliorer la stabilité du réseau. Concrètement, la Suisse serait intégrée dans des systèmes d’échanges automatiques d’information sur les flux transeuropéens, ce qui lui permettrait d’anticiper les flux non planifiés. Ce faisant, elle s’éviterait de coûteuses mesures autonomes de rééquilibrage du réseau.

Contrairement à ce que plusieurs acteurs politiques laissent entendre, le futur accord sur l’électricité n’impliquera pas la privatisation des énergéticiens suisses. Seule une séparation des activités des gestionnaires de réseau devrait être effectuée, ce qui permettra un nouveau gain d’efficacité. D’autre part, le marché suisse de fourniture d’électricité devra être ouvert à la concurrence. Ce qui impliquera que les petits consommateurs (moins de 100 MWh/an) auront le choix entre une offre d’approvisionnement régulée avec leurs fournisseurs historiques, ou celles concurrentielles d’un marché libre (avec leurs fournisseurs historiques ou d’autres fournisseurs). Il ne s’agit donc pas d’une libéralisation «totale» et «sauvage» comme le laissent à nouveau entendre certains.