La Réserve Fédérale et Evergrande ont focalisé l’attention durant une semaine tumultueuse. Les grandes difficultés du géant immobilier chinois ont fait couler beaucoup d’encre. Certains commentateurs ont établi une analogie discutable avec la faillite de Lehmann Brothers, jalon marquant de la crise financière de 2008/09. La faillite d’une entreprise dont le passif atteint 300 milliards de dollars (dont 90 milliards d’emprunts) présente évidemment un caractère systémique et un défi pour les autorités chinoises, mais les risques de contagion vers l’ensemble du système financier paraissent réduits.
A bien des égards, Evergrande constitue un cas particulier, dont la chute n’impliquerait pas de conséquences majeures pour les banques et les investisseurs occidentaux, peu exposés. Pour l’heure, les effets de contagion sont limités aux autres emprunteurs chinois «junk» qui sont aussi menacés par la volonté du gouvernement d’endiguer l’endettement galopant des grandes entreprises. Les primes de risque observées sur le marché global des capitaux restent proches des niveaux les plus bas observés depuis que la crise sanitaire a débuté. Le «G-spread» moyen avoisine toujours 3,6% dans l’univers «Global High Yield» et 0,9% pour les emprunts de catégorie «Investment Grade».

Malgré ce contexte agité, la Fed a signalé sa volonté de commencer à réduire ses achats d’actifs avant la fin de l’année. Jerome Powell a laissé entendre que la décision formelle pourrait être prise dès la prochaine réunion du FOMC, soit le 3 novembre. Le processus de «tapering» conduisant à un arrêt complet du programme d’assouplissement quantitatif pourrait se révéler expéditif et conduire à un relèvement des taux d’intérêt avant la fin de l’année prochaine. Ce scénario est privilégié par la moitié des membres du comité, soit 9 sur 18. Trois «faucons» escomptent un relèvement cumulé du taux d’intérêt des Fed Funds de 0,5% en 2022, tandis que les autres membres prévoient un premier relèvement de taux d’intérêt en 2023 (à l’exception d’une «colombe» qui pronostique un taux d’intérêt inchangé). Les projections à long terme préfigurent un taux d’intérêt des Fed funds culminant à 2,5%, un niveau qui est loin de constituer des conditions de financement hostiles pour les ménages, les entreprises et le Trésor US.
Après une réaction initiale placide, le marché obligataire a été affecté par le changement de posture de la Fed et par le regain d’appétit des investisseurs pour les actifs risqués. La semaine écoulée s’est donc soldée par un redressement significatif des taux d’intérêt à long terme qui a conduit le rendement du T-Note US à dix ans aux environs de 1,5%, un niveau qui n’avait plus été observé depuis fin juin! Cette correction résulte principalement d’un redressement des taux d’intérêt réels, alors que les anticipations d’inflation à long terme restent proches de l’objectif visé par la Fed. Les taux d’intérêt réels demeurent toutefois amplement négatifs, ce qui devrait continuer à inciter les investisseurs à privilégier les actions et les emprunts risqués.
Sur le marché des capitaux en euros, les rendements sont aussi orientés à la hausse. Celui du Bund allemand à dix ans a atteint -0,2%, un niveau qui n’avait plus été observé depuis début juillet. Ces tensions interviennent alors que plusieurs enquêtes mettent en lumière une légère dégradation du climat des affaires en septembre. L’érosion des PMIs préliminaires dévoilés par Markit met en lumière un léger tassement de la croissance tant du côté des services (56,3 en septembre après 59) que du secteur manufacturier (58,7 après 61,4). En Allemagne, l’indice IFO du climat des affaires traduit aussi un refroidissement qui est probablement imputable aux contraintes mises en œuvre pour contenir la vague épidémique liée au variant Delta. La reprise a donc perdu un peu de vigueur, mais elle pourrait se raffermir rapidement si le reflux des cas de Covid-19 se poursuit.