L’augmentation des prix à la consommation aux Etats-Unis s’est révélée légèrement inférieure aux attentes d’un «consensus» qui n’avait pas placé la barre bien haut. La variation mensuelle de 0,3% de l’indice global et de l’indice «core» excluant énergie et l’alimentation reste problématique au regard de l’objectif visé par la Réserve fédérale (Fed). La modération de l’inflation annuelle, de 3,5% en mars à 3,4% en avril, et l’absence de mauvaises surprises ont suffi au bonheur de Wall Street.
Succédant à trois déceptions, un chiffre correct constitue un pas dans la bonne direction, mais les banquiers centraux devraient attendre d’observer un reflux plus convaincant pour réduire les taux d’intérêt. Dans cette logique, plusieurs responsables de la Fed ont exprimé leur volonté de faire preuve de patience. En bon vulgarisateur, le gouverneur Christopher Waller a passé en revue les indicateurs récents pour arriver à la conclusion que les conditions monétaires étaient probablement suffisamment restrictives pour rétablir la stabilité des prix, mais qu’il souhaitait observer plusieurs autres bons chiffres d’inflation avant d’amorcer un assouplissement.
Les discours de la gouverneure Michelle Bowman et du vice-président Philip Jefferson soulignent aussi la nécessité de faire preuve de prudence alors que le marché du travail reste tendu et que les prix des services et du logement continuent à augmenter à un rythme soutenu. Le procès-verbal de la réunion du comité de politique monétaire (FOMC) nous apprend par ailleurs qu’un nombre non spécifié de membres seraient prêts à durcir davantage la politique monétaire si certains risques d’inflation devaient se matérialiser.
Le timide reflux de l’inflation aux Etats-Unis et la stagnation des ventes au détail en avril ont favorisé une légère détente des rendements en dollars américains qui s’est rapidement estompée sous le poids des avertissements formulés par les banquiers centraux. Le rendement du T-Note à 10 ans est revenu s’établir au-dessus de 4,4% après s’être approché de 4,3%.
En Europe, les rendements en euros ont connu un épisode de repli interrompu par les déclarations d’Isabel Schnabel. Membre du Directoire de la Banque centrale européenne (BCE), l’Allemande a confirmé la perspective d’une réduction des taux d’intérêt en juin, mais elle s’est montrée très réservée quant à la suite du programme dans un environnement où les risques d’inflation penchent vers le haut. Dans le même registre, le vice-président Luis de Guindos s’est refusé à émettre le moindre pronostic quant à l’évolution des taux d’intérêt au second semestre, en justifiant son indécision par un «immense degré d’incertitude». En bref, le geste attendu le 6 juin ne constitue pas le début d’un cycle, mais une sorte de réglage fin et symbolique. La courbe des rendements en euros intègre des anticipations réalistes, compatibles avec le message de prudence transmis par une BCE qui continuera à surveiller attentivement l’évolution des salaires, de la productivité et des marges des entreprises dans un contexte géopolitique instable.
Au Royaume-Uni, l’inflation a poursuivi son reflux pour s’établir à 2,3% en avril. La décrue est cependant moins rapide qu’espéré, notamment pour l’indice «core» (0,9% mensuel, 3,9% en glissement annuel). Ce constat pourrait inciter la Banque d’Angleterre à attendre jusqu’à la fin de l’été pour réduire le taux de base. Le changement de majorité parlementaire qui se profile le 4 juillet ne devrait pas remettre en question l’impérative consolidation budgétaire entreprise par les conservateurs.
Les rendements en francs suisses sont aussi orientés à la hausse. La dépréciation du franc devrait inciter la Banque nationale suisse (BNS) à se conformer à l’approche prudente prônée par les responsables de la BCE.