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Un cap évident, une destination incertaine

Après une période de déni, la BCE semble déterminée à endiguer l’inflation au prix d’une récession.

Les prévisions dévoilées par la BCE intègrent un ralentissement de la croissance (de 3,1% en 2022 à 0,9% en 2023), une inflation persistante (5,5% l’an prochain après 8,1% en 2022).
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Les prévisions dévoilées par la BCE intègrent un ralentissement de la croissance (de 3,1% en 2022 à 0,9% en 2023), une inflation persistante (5,5% l’an prochain après 8,1% en 2022).
François Christen
One Swiss Bank à Genève
14 septembre 2022, 7h00
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Confrontées à un dérapage épique de l’inflation, les banques centrales occidentales ont lancé une grande offensive pour rétablir la stabilité des prix. Dans le sillage de la Réserve fédérale (Fed), la BCE a relevé ses taux d’intérêt directeurs de 75 points de base (de 0% à 0,75% pour le taux appliqué aux dépôts) et exprimé une volonté unanime de les relever davantage pour «freiner la demande» et empêcher une dérive persistante des anticipations d’inflation. La BCE s’est toutefois bien gardée de dévoiler un plan de route précis. Comme aux Etats-Unis, la politique monétaire dépendra des développements futurs. Le cap est évidemment restrictif, mais la BCE conserve une certaine marge de manœuvre quant à la trajectoire des taux d’intérêt qui sera définie lors des prochaines réunions (les 27 octobre et 15 décembre).

Sans surprise, la BCE continuera à réinvestir les montants issus des remboursements du programme d’achats d’actifs instauré en réponse à la pandémie de Covid-19 (PEPP). Cette politique, qui diverge du «resserrement quantitatif» conduit par la Fed, vise à contenir la préoccupante fragmentation d’un marché des capitaux souverains où certains pays, tels que l’Italie ou la Grèce, sont sanctionnés par des primes de risque substantielles.

Un ralentissement de la croissance

Les prévisions dévoilées par la BCE intègrent un ralentissement de la croissance (de 3,1% en 2022 à 0,9% en 2023), une inflation persistante (5,5% l’an prochain après 8,1% en 2022) et des risques déplaisants: vers le bas pour l’activité, vers le haut pour les prix. Face à ce dilemme, la banque centrale semble déterminée à endiguer l’inflation, mais Christine Lagarde s’est montrée évasive quant aux niveaux des taux d’intérêt «neutre» et «terminal». En bref, le cap restrictif est fixé, mais la destination ultime est incertaine.

La détermination de la BCE a favorisé un rebond de l’euro face au dollar après une brève incursion sous la parité qui a probablement contribué à forger un consensus parmi les gouverneurs de la BCE. La perspective d’un resserrement monétaire de grande ampleur s’est répercutée sur l’ensemble de courbe des rendements en euros qui a poursuivi son redressement la semaine passée.

Un troisième relèvement consécutif

A l’instar de la BCE, la Banque du Canada a relevé son taux d’intérêt directeur de 75 points de base, alors que la banque centrale australienne s’est contentée d’une augmentation de 50 points. Aux Etats-Unis, les déclarations de plusieurs membres du FOMC préfigurent un troisième relèvement consécutif du taux d’intérêt des «Fed funds» de 75 points, indépendamment des chiffres d’inflation qui seront publiés cette semaine aux Etats-Unis. La Banque d’Angleterre, qui a différé la réunion du MPC au 22 septembre en raison du deuil national, et la BNS devraient aussi sacrifier à la mode du relèvement de 75 points de base pour soutenir, respectivement, la livre sterling et le franc suisse.

Un cap évident, une destination incertaine

L’action déterminée et lisible de la BCE et les avertissements de la Fed ont reçu un accueil serein de la part des investisseurs qui réévaluent, jour après jour, les chances d’assister à un «atterrissage en douceur» des économies occidentales. Dans cette logique, le relèvement agressif des taux d’intérêt en dollars et en euros ne serait qu’un mauvais moment à passer dans l’attente d’un reflux de l’inflation et d’un rebond de la croissance en 2024.

Le contexte géopolitique instable et les risques de pénurie d’énergie en Europe sont tels qu’il est hasardeux de miser «gros» sur la capacité de la Réserve fédérale et de la BCE à rétablir la stabilité des prix sans provoquer une récession entraînant des conséquences graves pour l’emploi et les profits.