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Un aplatissement de mauvais augure

La déformation de la courbe des rendements en dollars contredit et alimente l’insouciance de Wall Street.

François Christen
One Swiss Bank à Genève
02 novembre 2021, 22h11
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Alors que les médias braquent leurs projecteurs sur la COP26, Wall Street focalise son attention sur une actualité plus prosaïque: les résultats des entreprises au troisième trimestre, la prochaine réunion du FOMC, des indicateurs emblématiques et les négociations budgétaires qui déchirent la majorité démocrate au Congrès.

Selon toute vraisemblance, la réunion du comité directeur de la Fed marquera le début d’un processus de normalisation de la politique monétaire impliquant une réduction des achats d’actifs mis en œuvre au début de la pandémie. Confrontée à un dérapage de l’inflation plus prononcé et durable que prévu, la banque centrale n’a guère de raisons de différer un geste qui est largement escompté par les investisseurs. Le FOMC devrait dévoiler un plan de route qui pourrait conduire à un arrêt complet des achats d’obligations en juin 2022 et ouvrir la porte au relèvement des taux d’intérêt au second semestre.

Les «futures» sur le taux des Fed Funds préfigurent deux hausses d’un quart de pourcent avant fin 2022. Ces perspectives se sont répercutées sur les emprunts du Trésor à 2 ans qui ont vu leurs rendements passer de 0,2% à plus de 0,5% en quelques semaines. L’impact est toutefois moins prononcé sur les emprunts à long terme qui ont vu leurs rendements fléchir au cours de la quinzaine écoulée. Avoisinant 1,6%, le rendement du T-Note à 10 ans reste en-dessous des niveaux explorés à fin mars.


Un aplatissement de mauvais augure

Des nuages qui s’accumulent

La structure des taux d’intérêt en dollars s’est donc considérablement aplatie avant même que la Fed n’entreprenne un geste concret vers la tempérance monétaire. Ce comportement intervient généralement à un stade avancé du cycle conjoncturel quand les nuages s’accumulent à l’horizon, laissant craindre une récession. Etonnamment précoce, l’aplatissement de la courbe des rendements en dollars préfigure un relèvement des taux d’intérêt rapide, mais de faible ampleur.

Dans l’immédiat, le reflux des rendements à long terme alimente le régime «TINA». Dopés par les excellents résultats dévoilés par plusieurs géants de la technologie (Microsoft, Alphabet, Tesla...), les actions américaines ont atteint de nouveaux sommets sans le moindre égard pour le ralentissement de la croissance du PIB (2 % en rythme annualisé après 6,7% au T2) imputé au rebond de l’épidémie de Covid-19 et aux difficultés d’approvisionnement. Ce climat d’insouciance plaide pour un rééquilibrage des portefeuilles dans un sens plus défensif en renforçant le poids des emprunts à court terme (Trésor et entreprises HG).

Des conditions d'un relèvement des taux loin d’être réunies

Une fois n’est pas coutume, la zone euro a surclassé les États-Unis et la Chine avec un PIB en hausse de 2,2% au troisième trimestre (près de 9% en rythme annualisé). L’écart résiduel de 0,5% par rapport au pic précédant la pandémie devrait être comblé au quatrième trimestre. En première estimation, l’inflation annuelle a atteint 4,1% en octobre, un rythme qui n’avait plus été observé depuis 2008. Ce dérapage résulte essentiellement de la flambée des prix de l’énergie, dont la progression annuelle atteint 23,5%. 

Pour toutes les autres catégories (services, alimentation et biens non énergétiques), le renchérissement avoisine l’objectif de 2% visé par la BCE. La réunion du Conseil des gouverneurs du 28 octobre n’a débouché sur aucune annonce marquante: la BCE observe un dérapage de l’inflation appelé à se poursuivre dans un avenir proche, avant de se résorber en 2022. Dans cette perspective, la banque centrale s’achemine vers l’arrêt du PEPP à fin mars (l’échéance initialement prévue), mais les conditions justifiant un relèvement des taux d’intérêt sont loin d’être réunies.