Largement escomptée, la décision de la Réserve fédérale américaine (Fed) de maintenir son taux d’intérêt directeur entre 5,25% et 5,5% n’a pas reçu un accueil enthousiaste. Les projections dévoilées à l’issue de la réunion du FOMC préfigurent un relèvement accru du taux directeur de 0,25 point de pourcentage durant le quatrième trimestre, ainsi qu’un revirement moins prononcé l’an prochain. La médiane des prévisions du taux des «Fed funds» à fin 2024 a été révisée de 4,6% à 5,1%.
Les projections à l’horizon décembre 2025 ont aussi été revues à la hausse, avec un point médian relevé de 3,4% à 3,9%. La dispersion de prévisions (entre 2,6% et 5,6%) traduit toutefois un degré élevé d’incertitude et des opinions divergentes parmi les membres du comité. Dans le même registre, la stabilité à 2,5% de la médiane des projections du taux d’intérêt des Fed funds «à long terme» (quand l’économie fonctionne de manière équilibrée) est trompeuse. Sept parmi les 18 membres du FOMC estiment que le taux des Fed funds à long terme est plus élevé, soit entre 2,6% et 3,75%. En bref, les perspectives monétaires sont confuses, mais «biaisées» vers une rigueur qui pourrait se prolonger longtemps et déboucher sur une récession au lieu de l’atterrissage en douceur qui a la faveur de la cote à Wall Street.
Une conjoncture morose
Le cap restrictif fixé par Jerome Powell et ses collègues a conduit le rendement du T-Note US à 10 ans aux environs de 4,5%, soit un niveau qui n’avait plus été observé depuis 2007. L’actualité économique est pourtant mitigée. Le repli de l’indice NAHB (45 en septembre, après 50 en août et 56 en juillet) suggère que le rebond des taux d’intérêt hypothécaires, après un épisode de détente au premier semestre, fragilise à nouveau le marché immobilier. La première estimation des PMIs établis par S&P Global (50,1 en septembre après 50,2 en août) et le déclin de 0,4% de l’indicateur avancé du Conference Board traduisent une conjoncture morose et des risques de récession persistants.

En Europe, les rendements en euro ont poursuivi leur ascension sous l’influence des Etats-Unis. Le rendement du Bund allemand à 10 ans avoisine désormais 2,8%, loin des abysses explorés entre 2019 et début 2022. Le PMI composite de la zone euro s’est légèrement redressé (47,1 en septembre après 46,7), mais reste largement en dessous du seuil de 50 délimitant expansions et contractions. Tombé à 43,4, le PMI manufacturier signale une récession du secteur secondaire. Bien que minime, le déclin de l’indice IFO du climat des affaires (85,7 après 85,8) confirme la méforme de l’économie allemande.
Hors zone euro, les emprunts en livres sterling évoluent à contre-courant. La décision de la Banque d’Angleterre de ne pas relever son taux d’intérêt directeur a surpris les investisseurs qui tablaient sur un relèvement accru de taux d’intérêt. Une majorité de 5 contre 4 membres du comité de politique monétaire s’est prononcée en faveur d’une pause qui pourrait se prolonger si la décrue de l’inflation observée en août (6,2% hors énergie et alimentation, contre 6,9% le mois précédent) se poursuit.
La Banque nationale suisse (BNS) a aussi déjoué les pronostics en optant pour un statu quo légitime. Le taux de dépôt est donc inchangé à 1,75%. Un large consensus attendait un relèvement en raison des signaux émis par son président Thomas Jordan durant l’été. La décision de la BNS a entraîné un repli malvenu du franc, en contradiction avec la volonté exprimée dans un communiqué qui évoque une disposition à intervenir sur le marché des changes en vendant des devises. Annoncée vendredi, la nomination du très expérimenté Antoine Martin au sein du directoire constitue une bonne nouvelle après trois mois de flottement.