Les bouleversements provoqués par l’activisme chaotique de Donald Trump n’en finissent pas d’agiter les marchés financiers, notamment à Wall Street où l’incertitude qui englobe la politique commerciale fait des dégâts. La volonté de mettre en œuvre des taxes de 50% sur les importations de matériaux en provenance du Canada et de 25% pour le Mexique génère un climat toxique pour les investisseurs et, plus encore, pour les entrepreneurs. Ce climat délétère semble voué à se prolonger au moins jusqu’à fin mars, le délai fixé à l’administration pour définir les taxes «réciproques» censées compenser toutes les d’entraves à l’exportation de produits américains, y compris TVA et normes même si ces dernières sont imposées à toutes les entreprises, sans discriminations territoriales.
Si le marché obligataire se montre plus serein que le marché des actions, il n’est pas épargné par les frasques de Donald Trump et par un climat d’incertitude qui ravive l’appétit pour les actifs peu risqués, au détriment des valeurs plus spéculatives. Le rendement du T-Note à 10 ans a ainsi continué à fluctuer dans une marge assez étroite, à proximité de 4,2%, dans un environnement marqué par l’émergence de symptômes de ralentissement de l’économie américaine.
La chute de l’indicateur «GDPnow», qui préfigure une contraction du PIB des Etats-Unis au premier trimestre (‑1,6% selon l’estimation établie le 7 mars), a suscité des commentaires alarmistes mais contestables en raison du rôle majeur de l’envol des importations dans ce déclin. L’explosion du déficit commercial observée en janvier résulte d’une volonté évidente d’accélérer les échanges avant la mise en œuvre des taxes et plus particulièrement d’une flambée des importations d’or en provenance de Suisse. Après ajustement pour cet «effet or», la Réserve fédérale (Fed) d’Atlanta dévoile une estimation de croissance de 0,4%.
Le rapport de l’emploi transmet un message ambigu. L’enquête auprès des établissements met en lumière des créations d’emplois robustes (151.000 en février) et compatibles avec un marché du travail équilibré. En revanche, le sondage réalisé auprès des ménages traduit une hémorragie, soit un déclin de 588.000 postes, qui a entraîné une augmentation du taux de chômage de 4,0% à 4,1% et une diminution de la main-d’œuvre. A contre-courant du pessimisme ambiant, les banquiers centraux Jerome Powell et Christopher Waller ont exprimé des visions plutôt optimistes tout en relevant l’incertitude qui résulte des changements proposés par Trump. Pour le patron de la Fed, il faut aujourd’hui différencier «bruit et signal», mais son collègue a laissé entrevoir la possibilité d’une réduction accrue des taux d’intérêt si le reflux de l’inflation se poursuit.
En Europe, les annonces du futur chancelier allemand Friedrich Merz ont eu un fort impact. Sa rhétorique reprenant le «quoi qu’il en coûte» de Mario Draghi, l’ampleur des dépenses proposées pour renforcer les capacités militaires et les infrastructures ainsi que la suspension du mécanisme de frein à l’endettement ont provoqué une forte accentuation de la pente de la courbe des rendements en euros. Le rendement du Bund à 10 ans est ainsi passé de 2,45% à près de 2,9%. Cette correction se prête à des interprétations multiples, mais il est abusif de la qualifier de sanction, car l’Allemagne dispose d’une marge de manœuvre budgétaire confortable.
Le renforcement de l’euro et la réaction favorable du marché des actions invitent plutôt à interpréter le rebond des rendements comme un indicateur avancé du renforcement de l’activité. L’assouplissement des contraintes budgétaires édictées par l’Union européenne a aussi joué un rôle dans la correction qui a affecté l’ensemble du marché des capitaux en euro. Sans surprise, la Banque centrale européenne (BCE) a réduit son taux de dépôt de 2,75% à 2,5%, tout en signalant qu’elle avait déjà accompli une grande partie du chemin vers des conditions neutres. A l’instar de la Fed, la BCE doit composer avec de multiples chocs susceptibles d’affecter l’inflation et l’activité. Il est donc probable qu’elle adopte une approche plus prudente en attendant d’observer le retour de l’inflation vers la cible de 2% et de mieux cerner les implications fiscales et conjoncturelles du changement de cap annoncé par Merz.