La transition pouvait difficilement être plus brutale, même si quelques signes avant-coureurs avaient émergé en juillet. Quelques indicateurs macroéconomiques et des résultats d’entreprises mitigés ont suffi à mettre le feu aux poudres, entraînant une correction des actifs risqués. A contre-courant, les obligations gouvernementales bénéficient amplement d’un mouvement de fuite vers la sécurité et d’une réévaluation des perspectives de politique monétaire. Le rendement du T-Note US à 10 ans a cédé plus de 40 points de base pour s’établir en dessous de 3,8%, un niveau brièvement observé à fin 2023.
La chute des rendements s’est matérialisée vendredi, suite à la publication d’un rapport de l’emploi qui confirme le refroidissement du marché du travail aux Etats-Unis. Le sondage conduit auprès des entreprises met en lumière la création de 114.000 postes en juillet, un chiffre inférieur aux prévisions. Ce diagnostic est complété par d’autres symptômes de faiblesse, telle que la baisse de la durée hebdomadaire de travail. L’enquête réalisée auprès des ménages est également inquiétante car le taux de chômage est passé de 4,1% à 4,3%, loin du niveau de 3,4% atteint en avril 2023. Historiquement, un rebond du taux de chômage de cette ampleur a presque toujours annoncé l’entrée en récession de l’économie américaine.
Message ambigu
Les dernières enquêtes de l’ISM transmettent un message ambigu. Le PMI consacré au secteur manufacturier a chuté de 48,5 en juin à 46,8 en juillet. Les commandes, la production et l’emploi ont encore fléchi le mois passé. Les nouvelles sont meilleures du côté des services dont le PMI s’est redressé de 48,8 en juin à 51,4 en juillet à la faveur d’un rebond de l’activité, des commandes, et de l’emploi.
Ironiquement, la confiance des investisseurs a sombré juste après une réunion du FOMC dont l’issue s’est révélée parfaitement conforme aux attentes. La Réserve fédérale (Fed) n’a pas modifié son taux d’intérêt directeur, mais le communiqué rétablit l’équilibre entre l’objectif de stabilité des prix et celui de préserver le «plein emploi». En conférence de presse, son président Jerome Powell a clairement signalé la perspective d’une première baisse du taux d’intérêt directeur en septembre. Le climat de panique qui a émergé vendredi pourrait changer la donne et contraindre la Fed à agir plus vite, au risque de confirmer l’existence d’un «Fed put» de nature à attiser l’exubérance des investisseurs dans les phases haussières. La Réserve fédérale devrait toutefois temporiser en attendant de mieux cerner les risques de récession qui alarment subitement Wall Street.
Ne pas céder à la panique
Une baisse du taux des «Fed funds» avant la prochaine réunion du FOMC est improbable si la situation ne dégénère pas davantage. Dans un premier temps, la Fed devrait chercher à rassurer par ses déclarations. Une flambée des primes de risque affectant les actions et le marché du crédit pourrait cependant réclamer des actes concrets pour endiguer le risque d’un embrasement systémique.
Quoi qu’il advienne, il n’est jamais approprié de céder à la panique. Le refroidissement de l’économie américaine ne prélude probablement pas à une récession sévère. Sur les marchés obligataires, la chute des rendements est mieux étayée qu’elle ne l’était à fin 2023. Les risques de récession impliquent en outre un régime de corrélation entre les actions et les obligations plus favorable. Ce changement renforce les bénéfices de la diversification, comme on a pu le constater depuis mi-juillet.