Potentiellement explosive, la semaine passée s’est soldée par une implosion des rendements qui ont brutalement reflué sous l’influence d’une étonnante combinaison de facteurs agissant dans le même sens. Euphorique, Wall Street a célébré le rétablissement du marché obligataire en réalisant sa meilleure semaine de l’année.
Après avoir brièvement atteint 5%, le rendement du T-Note à 10 ans est tombé à 4,5% vendredi passé, après la publication d’un rapport de l’emploi plus faible que prévu. Les 150.000 créations d’emplois et l’augmentation du taux de chômage à 3,9% observés en octobre traduisent un rééquilibrage graduel du marché du travail. L’augmentation des demandes d’indemnités de chômage (217.000 selon le dernier relevé hebdomadaire) corrobore ce constat.

L’augmentation des postes à pourvoir, à hauteur de 9,55 millions, alimente l’espoir d’un «atterrissage en douceur» débouchant sur une expansion «ni trop chaude, ni trop froide» (Boucle d’Or). Les indicateurs portant sur les salaires étayent ce diagnostic, à l’instar du revenu horaire moyen (en hausse de 0,2% en octobre, 4,1% en glissement annuel). Plus fiables, l’indice du coût de l’emploi et les «coûts salariaux unitaires» affichent une progression modérée, apte à rassurer les banquiers centraux.
Sans surprise, le comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) n’a pas modifié son taux d’intérêt directeur la semaine passée. Le communiqué intègre un «biais» vers plus de rigueur, mais les déclarations de Jerome Powell ont renforcé l’opinion que la Réserve fédérale (Fed) ne mettra pas à exécution la menace d’un relèvement accru qui figurait dans les projections dévoilées en septembre. En évoquant des progrès significatifs sur le front de l’inflation et un resserrement des conditions financières, le patron de la Fed a apporté de l’eau au moulin de tous ceux qui pensent que le cycle de relèvements des taux d’intérêt est définitivement terminé.
Outre la posture conciliante de Jerome Powell, les indicateurs conjoncturels ont joué un rôle important dans la décrue des rendements observée la semaine passée. La chute des PMIs publiés par l’ISM (46,7 en octobre après 49 en septembre pour l’indice manufacturier, 51,8 après 53,6 du côté des services), la dégradation de la confiance des consommateurs et le refroidissement du marché du travail évoqué ci-dessus traduisent un fort ralentissement après le sursaut observé au troisième trimestre.
Certains estiment que le «QRA», soit l’annonce trimestrielle des besoins en financement du Trésor américain, a joué un rôle central dans la décrue des rendements. Cette opinion est discutable, mais la révision à la baisse des montants qui seront empruntés durant le quatrième trimestre a contribué à apaiser les craintes de ceux qui estiment que la récente augmentation des rendements réels sanctionne le laxisme budgétaire des Etats-Unis.
En résumé, le redressement des obligations (soit le déclin des rendements) est bien étayé par l’actualité fondamentale récente, mais l’enthousiasme de Wall Street paraît surfait. L’atterrissage en douceur de l’économie américaine n’est pas acquis. Les risques de récession ou de stagflation subsistent. Le reflux des rendements à long terme est tel qu’il est à nouveau préférable de privilégier les emprunts avec des échéances courtes et intermédiaires (jusqu’à 7 ans). Le rallye des emprunts à long terme et des actions se prêtent en revanche à des prises de profits opportunistes.