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L’euphorie boursière occulte la morosité des obligations

Les actifs risqués bénéficient d’un «policy mix» généreux et du reflux des cas de Covid-19.

François Christen
One Swiss Bank à Genève
16 février 2021, 21h55
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Les marchés obligataires sont toujours éclipsés par les actions qui ne cessent de s’apprécier: l’indice S&P 500 a établi à la clôture de vendredi son dixième record depuis le début de l’année. Sous pression, les obligations affichent un comportement plus paisible, sous le contrôle bienveillant des banques centrales qui cherchent à atténuer les effets de la crise sanitaire en préservant la fluidité du marché de crédit. Le rendement du T-Note US à dix ans s’est toutefois sensiblement redressé vendredi passé pour atteindre 1.21 %, un niveau qui n’avait plus été observé depuis février 2020.

Inflation américaine sous contrôle 

La pente de la structure des taux d’intérêt en dollars US a donc continué à s’accentuer, corroborant l’optimisme qui s’exprime à Wall Street. Les anticipations d’inflation reflétées par l’écart entre le rendement nominal du T-Note et le rendement réel issu d’un TIPS de même échéance ont atteint 2.2 % à dix ans d’horizon. Ce rythme n’est pas alarmant et devrait satisfaire la Réserve fédérale, mais une accélération accrue pourrait conduire la banque centrale à reconsidérer l’orientation très généreuse de sa politique monétaire

Les chiffres d’inflation publiés la semaine passée ne traduisent aucun dérapage. L’indice des prix à la consommation affichait en janvier une progression annuelle de 1.4%, un rythme similaire à celui observé le mois précédent. Hors énergie et alimentation, l’inflation s’établissait aussi à 1.4%. Dans un contexte peu inflationniste, entaché par une situation sanitaire incertaine, le président de la Réserve fédérale a réaffirmé, mercredi passé, la ferme volonté de la banque centrale de maintenir un cap stimulant.

L’euphorie boursière occulte la morosité des obligations

La dernière allocution de Jerome Powell met l’accent sur le renforcement du marché du travail. Le reflux du taux de chômage de 14.8 % en avril 2020 à 6.3 % en janvier 2021 est loin de contenter les autorités monétaires qui ont pour mandat de promouvoir le plein emploi. Dans cette perspective, une inflexion de la politique monétaire dans un sens moins stimulant semble inappropriée. Mary Daly, qui dirige la Fed de San Francisco, a prédit que le programme d’assouplissement quantitatif se poursuivra aux conditions actuelles (120 milliards d’achats de titres du Trésor et de MBS par mois) jusqu’à la fin de l’année alors que certains stratèges prévoient une réduction des achats d’actifs, soit un «tapering», dès le quatrième trimestre.

L’optimisme de Wall Street est aussi alimenté par l’évolution favorable de la situation sanitaire. Le nombre de cas nouvellement diagnostiqués aux USA a encore fléchi : la moyenne-mobile sur 7 jours est tombée à 91.000 cas, à comparer avec un pic de 260.000 début janvier. Les hospitalisations ont baissé de près de 50%, tandis que le rythme des vaccinations a nettement accéléré pour atteindre 1.6 million de doses par jour. Le déclin des nouveaux cas est encore plus marqué au Royaume-Uni qui a déjà vacciné un quart de sa population. La baisse marquée du nombre de cas symptomatiques en Israël semble en outre confirmer l’efficacité des vaccins.

Le Bund se redresse

En Europe, les emprunts en euros présentent aussi des rendements en augmentation. Celui du «Bund» allemand à dix ans s’est redressé de -0.45% à -0.38%, un niveau qui n’avait plus été observé depuis 8 mois. Le rendement du BTP italien continue à bénéficier de l’optimisme suscité par le retour de Mario Draghi qui devrait prochainement constituer un nouveau gouvernement de coalition. 

La maigre actualité conjoncturelle est plutôt morne: on observe une baisse de la production industrielle de la zone euro en décembre (-1.8% mensuel, -0.8% en glissement annuel). Peu affectée par les restrictions sanitaires, l’activité manufacturière connaît un passage à vide qui est toutefois loin de remettre en question la reprise amorcée en mai.

Au Royaume-Uni, le rendement du «Gilt» à 10 ans s’est rapproché de 0.6%. Les indicateurs conjoncturels se sont révélés meilleurs qu’escomptés. Le PIB britannique a continué à croître durant le quatrième trimestre (1%, succédant à un rebond de 16% au T3) et le secteur manufacturier a poursuivi son rebond en décembre, malgré les restrictions.

Taux suisses à long terme sous tension

En Suisse, les taux d’intérêt à long terme sont aussi soumis à des tensions bien que l’inflation évolue toujours en territoire négatif (0.1% mensuel, -0.5 % en glissement annuel en janvier). 

Les emrunts d’entreprises affichent généralement des primes de risque en légère baisse. Dans ce contexte «risk on» qui bénéfice aux actions et aux matières premières industrielles, le segment «high yield» surclasse nettement celui des emprunts de qualité «investment grade», malmené depuis le début de l’année.