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Les faucons de la Fed ébranlent Wall Street

La courbe des rendements en dollar s’est aplatie face au regain de soutien à une hausse des taux dès 2022.

François Christen
One Swiss Bank à Genève
22 juin 2021, 22h13
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Les voies des marchés financiers sont parfois déroutantes. Au menu macroéconomique de la semaine écoulée, la réunion du FOMC était attendue avec intérêt afin de mieux cerner la réaction de la Réserve Fédérale au dérapage marqué de l’inflation observé en avril et mai. Quelques déclarations laissaient entrevoir une inflexion de la politique monétaire archi-stimulante mise en œuvre l’an passé, quand la pandémie de Covid-19 a déferlé sur les Etats-Unis.

Sans surprise, le FOMC n’a modifié aucun paramètre de sa politique monétaire la semaine passée: les taux d’intérêt sont inchangés et les achats d’actifs se poursuivent au même rythme. Le communiqué officiel souligne l’évolution réjouissante de la situation sanitaire, en lien avec la progression des campagnes de vaccination, tout en relativisant la portée de l’accélération de l’inflation imputée à des facteurs temporaires. 

Les membres du comité ont revu à la hausse leur prévision de croissance pour 2021 par rapport à la réunion qui s’est tenue en mars: la médiane est passée de 6,5% à 7% (T4 21 / T4 20), un rythme ébouriffant qui devrait faire place à une expansion plus modeste, mais encore robuste en 2022 (3,3%, inchangée). Les prévisions d’inflation pour 2021 ont été largement revues à la hausse, passant de 2,4% à 3,4% pour l’indice général (de 2,2% à 3,0% pour l’indice «core», hors énergie et alimentation). Ces révisions intègrent logiquement le récent dérapage qui a conduit à un pic du renchérissement annuel qui sera bientôt dépassé.


Les faucons de la Fed ébranlent Wall Street

Rupture par rapport aux trois années de statu quo

Les prévisions du taux d’intérêt des «Fed funds» ont retenu l’attention. Elles préfigurent désormais un relèvement des taux d’intérêt totalisant 0,5% à l’horizon fin 2023. Cette prévision marque une rupture par rapport aux trois années de statu quo prévues en mars, mais ne constitue pas une grande surprise pour les acteurs du marché monétaire qui avaient exprimé de sérieux doutes reflétés par divers instruments cotés tels que les contrats futures du CME consacré à ce taux d’intérêt directeur. En bref, le FOMC s’est simplement réaligné sur des anticipations qui préexistaient à la réunion des 15 et 16 juin.

Le fameux graphique «dot plot», qui permet de visualiser les projections des 18 membres du FOMC, transmet un message plus subtil. Bien que minoritaires, sept banquiers centraux escomptent un relèvement de taux d’intérêt dès l’an prochain. Parmi eux, on compte James Bullard, de la Fed de St. Louis qui a évoqué vendredi passé un relèvement de taux d’intérêt à fin 2022. Les rangs des «faucons» se sont donc étoffés depuis trois mois, ce qui remet en question la crainte d’une Réserve fédérale laxiste à l’égard de la stabilité des prix. 

Après une réaction épidermique à la hausse, le rendement du T-Note US à dix ans a finalement reflué en-dessous de 1,5% pour s’établir lundi aux environs de 1,45%, soit 0,3% en-dessous du niveau exploré à fin mars malgré le dérapage de l’inflation, l’amélioration marquée de la situation sanitaire et des perspectives de croissance réjouissantes. 

Le moment de prendre ses bénéfices

Ce reflux est mal étayé par les développements fondamentaux, ce qui a conduit certains commentateurs à évoquer un mouvement «technique» qui se révélera éphémère. Cette opinion est séduisante, mais elle omet de considérer la remise en question des grandes ambitions budgétaires de Joe Biden qui peine à faire avancer le plan consacré aux infrastructures, loin des espoirs suscités par l’adoption rapide du troisième plan de soutien mis en œuvre face à la pandémie. La décrue des rendements à long terme plaide toutefois pour des prises de profits opportunistes pour les rares épargnants ayant conservé une allocation obligataire substantielle.