Transparente, la Réserve Fédérale a émis de nouveaux signaux préfigurant un resserrement monétaire plus agressif que précédemment escompté. Laël Brainard, membre du Conseil des Gouverneurs, a adressé un avertissement un jour avant la publication du procès-verbal de la dernière réunion du FOMC qui dresse un plan de route assez précis de la réduction du portefeuille d’obligations accumulé par la Fed jusqu’en février.
Ce revirement devrait être amorcé dès la réunion du FOMC des 3 et 4 mai et impliquer une réduction du bilan de la Fed à un rythme de 95 milliards de dollars par mois (60 pour les emprunts du Trésor/ 35 pour les MBS) après une brève période de transition. Le FOMC prévoit donc une cure d’amaigrissement beaucoup plus rapide que le précédent «QT» conduit entre 2017 et 2019 qui s’était révélé indigeste pour Wall Street.
Les grands remèdes
Le procès-verbal confirme aussi la possibilité d’un relèvement du taux d’intérêt directeur par étapes de 0,5%. La Fed passerait ainsi du traitement homéopathique aux grands remèdes susceptibles de provoquer des effets indésirables.

Les chiffres d’inflation attendus cette semaine devraient mettre en lumière un renchérissement supérieur à 8% en mars (médiane des attentes à 1,2% sur un mois, 8,5% en glissement annuel) et des effets de contagion vers l’inflation «sous-jacente», hors énergie et alimentation. Les derniers indicateurs conjoncturels demeurent bien orientés, malgré la pression qui s’exerce sur le pouvoir d’achats des ménages.
L’indice ISM non manufacturier traduit un renforcement des activités de services favorisé par l’amélioration de la situation sanitaire. Le déclin des demandes d’indemnités de chômage (à 166.000 selon le dernier relevé hebdomadaire, au plus bas depuis 1968!) reflète un marché du travail asséché.
Les marchés européens pas épargnés
Le plan de route agressif dévoilé par la Fed a provoqué un redressement marqué de la structure des taux d’intérêt en dollars. Le rendement du «T-Note» à 10 ans affiche une augmentation de plus de 30 points de base pour s’établir se rapprocher de 2,8%. Cette correction est alimentée par un rebond marqué des taux d’intérêt «réels» alors que les anticipations d’inflation sont endiguées – mais pas encore refroidies – par le changement de cap abrupt annoncé par la Fed.
Les marchés européens n’ont pas échappé à l’influence des USA. Des tensions significatives ont conduit le rendement du «Bund» allemand à 10 ans aux environs de 0,8%, au plus haut depuis février 2018, dans l’attente d’une réunion du Conseil des gouverneurs. Ayant dévoilé ses intentions en mars, la BCE devrait réaffirmer jeudi sa volonté de mettre un terme aux achats d’actifs nets en septembre et laisser entrevoir un relèvement de taux d’intérêt au quatrième trimestre. Les développements récents, conjuguant accélération de l’inflation, décrue du chômage et revendication salariales croissantes, pourraient toutefois renforcer l’influence des « faucons » qui souhaitent une normalisation plus rapide des conditions monétaires.
La BNS pourrait imiter la BCE
Dans l’orbite de la zone euro, les obligations en franc suisse sont aussi sous pression. Le rendement des emprunts de la Confédération suisse à 10 ans a franchi 0,75%, pour s’établir à un niveau qui n’avait plus été observé depuis 2014. Bien que la BNS se trouve dans une situation plus confortable que ses consœurs, elle pourrait imiter la BCE sans craindre une forte appréciation du franc. Au Royaume-Uni, le rendement du «Gilt» à 10 ans a atteint 1,83% dans l’anticipation d’un probable relèvement des taux d’intérêt le 5 mai.