Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a fait le choix légitime de ne pas procrastiner en relevant ses trois taux d’intérêt directeurs de 0,25 point de pourcentage à des niveaux inédits. Le taux d’intérêt appliqué aux dépôts est ainsi relevé à 4%. Les banquiers centraux ont toutefois clairement exprimé leur opinion que les conditions étaient désormais suffisamment restrictives pour vaincre l’inflation à moyen terme.
La décision et le message de la BCE résultent vraisemblablement d’une négociation entre «faucons» et «colombes», qui ont tous de solides arguments à faire valoir en raison de l’inertie de l’inflation et de la dégradation évidente de la conjoncture en Europe. Les prévisions d’inflation dévoilées jeudi passé (5,1% en 2023, 2,9% en 2024 hors énergie et alimentation) ne sont toujours pas compatibles avec un assouplissement avant la fin de l’année prochaine. La BCE semble donc s’acheminer vers une longue période d’immobilisme (avec un biais vers davantage de rigueur).
Le cap austère fixé par la BCE et l’influence des Etats-Unis ont poussé la structure des taux d’intérêt en euros vers le haut et conduit le rendement du Bund allemand à 10 ans aux environs de 2,7% et celui du Schatz à 2 ans tout près de 3,25%.

Aux Etats-Unis, les emprunts du Trésor américain présentent aussi des rendements en hausse. Celui du T-Note à 10 ans a atteint 4,35% dans l’attente d’une réunion du FOMC qui devrait se solder par un statu quo assorti d’un avertissement évoquant la possibilité d’un relèvement accru des taux d’intérêt. Comme toujours, on prêtera attention à la mise à jour des prévisions des membres du FOMC et au fameux graphique «dot plot» qui préfigure l’évolution du taux des Fed funds jusqu’à fin 2025.
Comme prévu, l’inflation a accéléré en août pour s’établir à 3,7% sous l’effet d’une forte augmentation des prix des produits pétroliers. Hors énergie et alimentation, l’inflation annuelle a poursuivi son reflux pour s’établir à 4,3%. La variation mensuelle de 0,3% est cependant un peu plus rapide que lors des deux mois précédents. Erratiques, les prix à la production affichent une progression mensuelle soutenue de 0,7%, mais une variation annuelle de 1,6% conforme aux visées de la Réserve fédérale (Fed).
Les ventes au détail, en hausse de 0,6% en août, affichent une vigueur surprenante qui montre que les ménages n’ont toujours pas abdiqué malgré l’érosion des revenus réels rongés par l’inflation. Le déclin de l’indice de confiance des consommateurs de l’Université de Michigan (67,7 en septembre après 69,5 en août) semble toutefois annoncer un essoufflement. La modeste augmentation de 0,1% de la production manufacturière est loin d’être affolante, mais elle infirme le signal de contraction qui ressort des enquêtes de l’ISM. En bref, les indicateurs récents étayent toujours l’espoir d’un «atterrissage en douceur» de l’économie américaine, mais aussi la perspective de taux d’intérêt durablement élevés.
Outre la Fed, la Banque d’Angleterre et la Banque nationale suisse sont appelées à prendre des décisions cette semaine. Les deux institutions s’apprêtent vraisemblablement à relever leurs taux d’intérêt directeurs respectifs de 0,25 point. Les Britanniques sont toujours confrontés à un sérieux problème d’inflation qui a débouché sur une inquiétante boucle prix – salaire. Les Suisses sont dans une situation plus confortable et pourraient raisonnablement maintenir le statu quo si Thomas Jordan n’avait pas émis plusieurs signaux qu’il serait malvenu de démentir. Le taux appliqué aux dépôts auprès de la BNS devrait ainsi culminer à 2%.