La semaine dernière, Christine Lagarde, présidente de la BCE, a retenu l’attention médiatique en dévoilant presque par surprise la nouvelle stratégie de politique monétaire de la banque centrale. Le principal changement réside dans l’adoption d’un objectif d’inflation fixé à 2% à moyen terme. Contrairement à l’objectif précédent, à savoir un niveau d’inflation «inférieur, mais proche de 2%», la nouvelle visée de la BCE inscrit dans le marbre l’idée qu’une inflation trop basse est tout autant indésirable qu’une inflation trop élevée.
Mario Draghi, le prédécesseur de Christine Lagarde, avait déjà introduit le besoin de «symétrie» dans ces discours, préparant le terrain pour la présente refonte. Ce nouveau cadre permettra aux gouverneurs de tolérer une inflation supérieure à 2% après une période d’inflation très basse comme celle qui a prévalu récemment.
BCE: politique monétaire et changement climatique
Cela étant, la BCE se démarque de la Fed en précisant qu’il s’agirait de périodes «transitoires» avec un dépassement «modéré» de l’objectif. A l’inverse de sa consœur américaine, la BCE ne cherchera pas délibérément une flambée des prix pour atteindre son objectif d’inflation à moyen terme.
Par ailleurs, la lutte contre le changement climatique s’inscrira pleinement dans la stratégie de politique monétaire. Au niveau opérationnel, les achats d’actifs de la BCE devraient ainsi davantage se porter sur des obligations d’entreprises déployant des activités enclines à limiter l’impact sur l’environnement. La composition du portefeuille d’actifs de la BCE ne devrait toutefois pas être chamboulée à court terme par la prise en compte de critères liés au changement climatique.
En somme, la revue de la stratégie de la BCE entérine des lignes de conduite déjà en place en matière de politique monétaire. Elle servira également de base à Christine Lagarde pour présenter l’évolution des programmes de soutien lors de la prochaine réunion des gouverneurs du 22 juillet. La banque centrale souhaite maintenant piloter les anticipations d’une sortie de son plan d’achats d’actifs à l’horizon de 2022 pour éviter une remontée intempestive des rendements obligataires.

La Fed préfère encore temporiser sur l’inflation
Du côté de la Réserve fédérale américaine, le procès-verbal de la dernière réunion du FOMC du 16 juin a révélé que les gouverneurs ne souhaitent pas encore communiquer sur un ralentissement des achats d’actifs («tapering») même si plusieurs membres s’attendent à ce qu’un allègement de l’assouplissement monétaire puisse prendre place plus tôt que ce qu’ils anticipaient auparavant.
Un débat est également né sur l’opportunité de réduire l’achat de titres adossés à des hypothèques avant d’infléchir les achats de bons du Trésor, notamment pour limiter l’inflation immobilière. Les risques inflationnistes augmentent indéniablement, mais la Fed préfère encore temporiser avant d’annoncer un changement de cap.
La publication des minutes du FOMC n’a finalement pas eu d’impact sur les marchés financiers. En revanche, le recul inattendu de l’indice ISM des services de 64,0 en mai à 60,1 en juin ainsi que les craintes épidémiologiques liées à la progression du variant Delta ont alimenté une nouvelle détente des rendements obligataires. Le taux de référence du bon du Trésor à 10 ans a brièvement visité le niveau de 1,25% jeudi dernier, une première depuis presque 6 mois, durant une session boursière nerveuse qui a vu l’indice de volatilité VIX culminer au-dessus de 20%. Si la correction des marchés actions s’est avérée éphémère avec des nouveaux records à la hausse en fin de semaine à Wall Street, le marché obligataire a également tiré son épingle du jeu en conservant les gains engrangés en début de semaine.