Après cinq mois d’euphorie, les actions sont fragilisées par un contexte géopolitique explosif, des résultats (un peu) décevants et un rebond marqué des rendements. Assez réservé jusqu’ici, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, s’est finalement rendu à une évidence que les investisseurs en obligations avaient déjà perçue. Le dérapage de l’inflation observé au premier trimestre n’est pas compatible avec une normalisation rapide des conditions monétaires. Après plusieurs mauvaises surprises, les banquiers centraux auront besoin de plus de temps et de données allant dans le sens de la désinflation pour réduire les taux d’intérêt.
La projection médiane situant le taux d’intérêt des Fed funds à 4,6% en fin d’année est caduque, mais il est encore permis d’espérer un assouplissement monétaire avant la fin de l’année. Annoncé par certains stratèges, le maintien du statu quo jusqu’en décembre semble de plus en plus réaliste, mais il ne constitue pas encore le scénario le plus probable. Les conditions dictant un relèvement sont en revanche loin d’être réunies malgré la persistance de l’inflation affectant les prix des services.
De mauvaises surprises
Peu sensibles à l’escalade des tensions entre l’Iran et Israël, les emprunts du Trésor américain sont sous pression. A tort ou à raison, la timide réplique d’Israël opérée vendredi passé a été perçue comme un signe d’apaisement. Le rendement du T-Note à 10 ans s’est redressé aux environs de 4,65% et celui du T-Note à 2 ans a franchi 5%. D’autres mauvaises surprises en matière d’inflation pourraient conduire les rendements au-delà des niveaux entrevus l’automne passé. Dans un registre extrême, le patron de JP Morgan, Jamie Dimon, a évoqué la possibilité de rendements à hauteur de 8%, mais ce scénario s’apparente plus à un «stress test» qu’à une issue inéluctable.
Dans l’attente de plusieurs chiffres importants (croissance du PIB au premier trimestre, indice de prix liés aux dépenses personnelles), les données récentes apportent un éclairage sur le secteur immobilier. Le déclin concomitant des permis de construire, des mises en chantier et des ventes de maisons existantes traduit un refroidissement qui pourrait s’accentuer si le rebond des taux hypothécaires devait se prolonger.
Bien que la Fed soit passive, l'augmentation des rendements, l’appréciation du dollar et le repli des actions entraînent un resserrement des conditions financières de nature à entraver la croissance et contenir l’inflation à moyen terme. Différé, l’«atterrissage» de l’économie américaine reste probable, conformément aux dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI) annonçant une expansion de 2,7% en 2024 et de 1,9% en 2025.
En Europe, la structure des taux d’intérêt en euro a poursuivi son rebond. Le rendement du Bund allemand à 10 ans a atteint 2,55%. La maigre actualité récente n’est pas de nature à influer sur la décision que prendra le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) lors de la réunion du 6 juin.
Au Royaume-Uni, le reflux de l’inflation annuelle (3,2% en mars après 3,4% en février; 4,2% après 4,5% hors énergie et alimentation) entretient l’espoir d’une réduction du taux de base dès la réunion de juin ou durant l’été, comme reflété par l’inversion prononcée de la courbe des rendements en livres sterling.