Certains observateurs s’inquiètent des tensions qui ont propulsé le rendement du T-Note US aux environs de 4,8%, d’autres s’en réjouissent. Nous adhérons à la seconde vision, même si la flambée observée depuis le milieu de l’été a entraîné des pertes substantielles pour les investisseurs exposés aux emprunts à long terme.

Pour le camp des optimistes, la «dés-inversion» graduelle de la courbe des rendements en dollars résulte principalement d’un flux de nouvelles qui soulignent la solidité de l’économie américaine. Le rapport de l’emploi publié vendredi passé s’inscrit dans cette tendance réjouissante. Les 338.000 créations d’emplois en septembre (266.000 en moyenne au cours des trois derniers mois) ont largement dépassé les attentes collectées par Bloomberg et consorts. L’enquête conduite auprès des ménages fait cependant état d’un taux de chômage inchangé à 3,8%. La progression mesurée du salaire horaire moyen (0,2% sur un mois, 4,2% en glissement annuel) est rassurante, mais cette variable est loin de constituer une mesure fiable de l’inflation salariale et du coût du travail auquel les entreprises sont confrontées.
Le rebond des postes à repourvoir et le niveau réduit des demandes d’indemnités de chômage traduisent également un marché du travail robuste, apte à soutenir la consommation privée. En léger repli, l’indice ISM consacré aux services (53,6 en septembre après 54,5 en août) s’inscrit à un niveau compatible avec une expansion équilibrée de l’activité. En bref, l’actualité récente étaye toujours le scénario fragile d’un «atterrissage en douceur» des Etats-Unis.
Les chiffres d’inflation attendus mercredi sont susceptibles de remettre en question la trajectoire du taux d’intérêt des Fed funds. Une mauvaise surprise apporterait de la crédibilité aux projections du FOMC. A contrario, une faible augmentation des prix conforterait Wall Street dans son opinion que le cycle de relèvements des taux est terminé.
Du côté des pessimistes, on évoque un changement de régime marqué par le réveil des «bond vigilantes» après une longue hibernation. Dans cette logique, le redressement des rendements réels présenterait un caractère structurel plutôt que conjoncturel. La correction obligataire serait vouée à s’aggraver si la discipline budgétaire n’est pas rétablie rapidement. Sous cette hypothèse, le déficit public implique une éviction néfaste de l’investissement privé. Ces craintes ne sont pas dénuées de fondements, mais il convient de se méfier des pronostics alarmistes, souvent motivés par un opportunisme politique ou commercial. Il est possible que les rendements nominaux et réels augmentent encore, mais il est peu probable qu’ils restent éternellement aux niveaux que nous observons aujourd’hui. Tôt ou tard, quand les conditions seront en place, un assouplissement de la politique monétaire conduira à une décrue des rendements en dollars (au détriment du dollar).
En Europe, le rendement du Bund allemand à 10 ans a franchi 3% avant de refluer aux environs de 2,85%. Le rendement du Gilt britannique est reparti à la hausse pour s’établir au-dessus de 4,5%. L’actualité récente met en lumière une conjoncture affaiblie sur le Vieux Continent. Le déclin des ventes au détail dans la zone euro, des PMIs en dessous de 50, notamment dans le secteur de la construction, pourraient annoncer une récession.