Très attendus, les chiffres d’inflation publiés la semaine passée aux Etats-Unis ont reçu un accueil placide, même si l’inflation annuelle a accéléré pour s’établir à 3,4% en décembre. Hors énergie et alimentation, l’inflation «sous-jacente» poursuit une lente décrue avec une augmentation de 0,3% sur un mois et de 3,9% en glissement annuel (4,0% précédemment). La persistance de l’inflation résulte essentiellement de la progression des prix des services, alors que l’augmentation des prix des biens s’inscrit en dessous de la cible de 2%. En amont, les prix à la production ont fléchi de 0,1% en décembre et affichent une progression annuelle de 1,0%.
Bien que la décrue de l’inflation semble vouée à se poursuivre, le revirement rapide et agressif espéré par Wall Street est mal étayé par l’actualité macroéconomique récente qui plaide pour un changement de cap plus tardif et graduel, conforme aux projections dévoilées par le comité de politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) (FOMC) en décembre. Les «futures» du CME sur le taux d’intérêt des Fed funds continuent toutefois à préfigurer une première réduction des taux le 20 mars, suivi d’un cycle conduisant le taux directeur entre 3,5% et 3,75% en fin d’année. En d’autres termes, les «futures» annoncent une baisse cumulée des taux d’intérêt de 1,75 point de pourcentage, soit 1 point de plus que la projection médiane du FOMC.
Le décalage entre le «pivot» radical fantasmé par Wall Street et la normalisation graduelle esquissée par la Fed implique des risques considérables de désillusion. Une baisse rapide et massive des taux paraît inconcevable sans l’émergence de symptômes probants d’entrée en récession de l’économie américaine. Un tel scénario est néanmoins peu probable à court terme, même si la croissance a ralenti durant le quatrième trimestre. Le marché obligataire n’est donc pas à l’abri d’une correction après le rebond épique survenu en novembre et décembre 2023.
La courbe des rendements en dollars est toutefois repartie à la baisse la semaine passée. Le rendement du T-Note à 10 ans a cédé une dizaine de points de base pour s’établir à 3,95%. Le mouvement est encore plus prononcé sur les échéances courtes et intermédiaires. Cette baisse s’explique en partie par le ton amical des banquiers centraux qui se sont exprimés depuis le début de l’année. Alors que le «faucon» James Bullard a quitté le navire, ses anciens collègues du FOMC n’ont pas complètement fermé la porte à une réduction du taux des Fed funds. En outre, les banquiers centraux ont entamé une réflexion qui devrait déboucher prochainement sur un ralentissement du «resserrement quantitatif» amorcé en 2022.
En l’absence de grandes nouvelles, les marchés européens se sont désolidarisés du marché des capitaux en dollars. Le rendement du Bund allemand à 10 ans s’est même légèrement redressé pour s’établir aux environs de 2,2%, malgré la faiblesse avérée de la première économie de la zone euro qui a vu son PIB se contracter de 0,3% en 2023. Les rendements en livres sterling et en francs suisses sont également stationnaires.