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Entre réalisme et complaisance

La déconnexion entre les actions et des obligations en repli depuis un mois s’accentue.

Le «resserrement quantitatif» amorcé début mars par la BCE n’a pas empêché une décrue des «spreads» infligés aux membres plus vulnérables de la zone euro tels que l’Italie.
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Le «resserrement quantitatif» amorcé début mars par la BCE n’a pas empêché une décrue des «spreads» infligés aux membres plus vulnérables de la zone euro tels que l’Italie.
François Christen
One Swiss Bank à Genève
08 mars 2023, 9h00
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Les marchés obligataires évoluent dans une zone de turbulences imputables à une inflation persistante. Tel est notamment le cas en Europe où les premières estimations de l’inflation dans la zone euro en février (0,8% mensuel, 8,5% en glissement annuel) sont loin d’atteindre l’objectif visé par la Banque centrale européenne (BCE), malgré le repli des prix de l’énergie observé le mois passé. L’inflation «sous-jacente» (excluant énergie, alimentation et tabac) a poursuivi sa dérive haussière pour atteindre 5,6% en glissement annuel. Les effets retardés du dérapage survenu en 2022 continuent donc à se manifester sur les prix de nombreux biens et services.

Les indicateurs conjoncturels sont pourtant mitigés. Le PMI consacré au secteur manufacturier traduit une érosion de l’activité (48,5 en février après 48,8 en janvier), mais l’enquête portant sur les services reflète une embellie (52,7 après 50,8). Le marché du travail demeure tendu avec un taux de chômage inchangé à 6,7% en janvier, au plus bas depuis le lancement de l’union monétaire. En bref, les données récentes devraient conforter la BCE dans sa volonté de relever ses taux d’intérêt directeurs de 0,5 point de pourcentage le 16 mars (impliquant un taux de dépôt augmenté de 2,5% à 3%) et à maintenir un cap restrictif jusqu’en juin ce qui devrait nous valoir des taux d’intérêt monétaires aux environs de 4% en début d’été.

Ces perspectives se sont répercutées sur la structure des taux d’intérêt en euros et plus particulièrement sur les échéances courtes et intermédiaires. Le rendement du «Schatz» allemand à 2 ans a désormais dépassé 3,2% pour s’établir à un niveau qui n’avait plus été observé depuis 2008! Le rendement du Bund à 10 ans avoisine 2,7% après avoir franchi 2,75% jeudi passé. Le «resserrement quantitatif» amorcé début mars par la BCE n’a pas empêché une décrue des spreads infligés aux membres plus vulnérables de la zone euro tels que l’Italie.

Entre réalisme et complaisance

Bien que la Suisse figure au rang des bons élèves en matière d’inflation, la progression des prix à la consommation en février – 0,7% mensuel, 3,4% en glissement annuel; respectivement 0,8% et 2,4% hors énergie et alimentation – met en évidence des effets retardés pernicieux qui devraient inciter la Banque nationale suisse (BNS) à maintenir un cap restrictif le 23 mars. Un relèvement du taux directeur de 0,5 point paraît probable, sachant que le directoire de la BNS prend ses décisions de politique monétaire à une cadence trimestrielle.

Outre-Atlantique, le rendement du T-Note US à 10 a franchi 4% avant de refluer près du niveau qui prévalait lundi passé, soit 3,9%. Les enquêtes de l’ISM ne traduisent aucune rupture en février: l’activité manufacturière est morose (47,7 en février après 47,4 en janvier), mais l’expansion se poursuit du côté des services (55,1 après 55,2). Le rapport de l’emploi attendu en fin de semaine permettra de mieux cerner l’état de la conjoncture américaine. Dans l’attente des chiffres qui seront publiés vendredi, une majorité d’intervenants escomptent un relèvement du taux d’intérêt des Fed Funds de 0,25 point le 22 mars, suivi de deux à trois relèvements de même ampleur lors des réunions suivantes du FOMC.

Sur le marché du crédit, les primes de risques ont légèrement reflué, en phase avec des indices boursiers qui résistent bien à la correction obligataire observée depuis un mois. Cette déconnexion entre actifs risqués et emprunts d’Etats est partiellement justifiée par la baisse réjouissante des prix de l’énergie en Europe, mais elle pourrait aussi refléter une certaine complaisance de la part des investisseurs qui persistent à croire que l’inflation pourra être domptée sans passer par la case «récession».