Certes, nous observons toujours une rémunération négative sur les emprunts gouvernementaux européens, mais comme attendu en fin d’année dans ces mêmes colonnes, les rendements viennent de mettre les pieds dans l’ascenseur.
Cette normalisation a été évaluée aux Etats-Unis entre 1,5% et 2% au 1er semestre pour les emprunts du Trésor à 10 ans (T-Notes) où le mouvement est clairement amorcé. De 0,5% en août dernier, à 0,91% en fin d’année, ce benchmark se situe aujourd’hui à 1,30%. Le cœur de la résistance technique (i.e. l’offre) est encore éloigné puisqu’il surplombe à 1,80%, niveau que nous verrons sans doute ces prochains mois.

Ce n’est pas une révolution, mais un retour à une situation plus normale. Les stimulus vont permettre une reprise marquée de l’économie dès ce printemps avec une reprise de l’inflation, alors que le spectre de la déflation va peu à peu disparaître. Exactement l’inverse de ce que prévoyaient les cadors de tous poils sur les plateaux télé.
En Europe, les dettes majeures à 10 ans s’apprêtent bientôt à sortir des taux négatifs ce qui constituera un événement en soi. La meilleure dette, celle du Bund allemand à 10 ans, revient de -0,71% en mars dernier en pleine panique sanitaire, à -0,36% aujourd’hui et le retour à 0% pourrait bien se produire avant le 30 juin. La dette française sur la même durée s’établit à -0,11% et l’horizon 0% est encore plus proche. La dette italienne rapporte 0,58% et va tranquillement remonter à 1% et sans doute 1,8% à plus long terme.
Pas d’alarme en termes de refinancement des dettes
En Suisse la musique est la même avec un rendement de -0,91% en mars dernier remontant à -0,30% actuellement. La problématique est ici un peu différente puisqu’il s’agit d’empêcher une progression du franc et un maintien en zone légèrement négative est probable pour le reste de l’année. Il ne s’agit pas d’une alarme pour cette année en termes de refinancement des dettes, puisque les gouvernements remboursent des emprunts contractés à des taux bien plus haut et sont donc assez tranquilles pour les mois qui viennent.
N’empêche. L’après Covid donnera lieu à une belle empoignade entre états fourmis (i.e. au nord) et cigales (i.e. au sud) étant donné que ces derniers plaident pour un effacement d’une manière ou d’une autre de la dette sanitaire, ce qui horripile naturellement ceux dont les finances sont mieux tenues. Les fameux critères de Maastricht ont été enfoncés et il faudra sans doute trouver de nouvelles définitions.
Le rôle de la BCE est ici crucial. Agir en prêteur de dernier ressort en rachetant à tour de bras les dettes de ses membres a eu pour effet de l’emprisonner dans ce rôle, sans possibilité d’en sortir. Tout le monde a bien compris que la BCE ne peut se permettre de lâcher le bébé sous peine de voir remonter en flèche les taux dans les états « faibles ». C’est une posture sans retour, inextricable et implacable.
Il faut maintenant se demander comment la fin de la récréation sera sifflée et même si ce n’est pas pour bientôt, les tentatives de revenir à la normalité vont se faire jour avec à la clé les incidences que l’on peut imaginer sur les marchés. Il va falloir être inventif et parquer la dette dans un coin à l’aide de quelques artifices comptables savamment élaborés.
2021 ne sera pas un long fleuve tranquille
Comme pronostiqué il y a plusieurs mois, les actions ont vécu fort bien la meilleure période de l’année pour cet actif, à savoir 15 novembre – 15 février. Du pur beurre. A partir de maintenant il convient d’être plus prudent. Les estimations de profits traduisent une économie en plein boom dans 6 mois et les cours sont déjà bien «riches» de cette perspective. Certes, il n’y a pas encore d’actifs susceptibles de concurrencer les Bourses mondiales, mais 2021 ne sera pas un long fleuve tranquille, ne nous y trompons pas.
Puisqu’on aborde le manque de diversification, impossible de ne pas évoquer le bitcoin qui pollue de plus en plus la scène médiatique. Son évolution est comparable en beaucoup de point à la Tulipomanie qui a ravagé les Pays-Bas en 1636-1637. Rappelons qu’au plus fort de la folie un oignon de tulipe valait dix fois le salaire annuel d’un artisan spécialisé et qu’il permettait d’acheter deux maisons.
Pour ce qui est des multiples, la progression du Bitcoin est similaire et commence à tarauder la ménagère, ce qui n’est jamais bon signe. Techniquement parlant, la correction de 40.000 à 30.000 observée entre le 10 et 27 janvier représente une formation technique dite en «drapeau» qui laisse augurer d’une progression au-delà des 60.000 à court terme. Ce crypto-actif, sans valeur intrinsèque et réalité économique, n’a pas les attributs d’une monnaie.
Sa valeur actuelle est poussée par une demande spéculative alimentée par les médias et certaines personnalités en vue comme Elon Musk. Le bitcoin n’est pas un schéma de Ponzi stricto sensu, mais la ressemblance est frappante. Ce sont les nouveaux venus qui financent les gains des anciens investisseurs dans une sorte d’illusion collective. Et tout ça finira très mal, naturellement.