Largement escompté, le resserrement monétaire opéré le 27 juillet par la Réserve fédérale a reçu un accueil enthousiaste à Wall Street et placide sur le marché obligataire. Le relèvement du taux d’intérêt des Fed funds de 0,75%, vers une fourchette comprise entre 2,25% et 2,5%, était conforme aux attentes des investisseurs qui se projettent vers un hypothétique assouplissement monétaire en 2023. Jerome Powell a toutefois signalé la perspective d’un nouveau relèvement de taux d’intérêt en septembre et déclaré qu’il était trop tôt pour réduire la cadence… même s’il a prudemment évoqué cette perspective à un stade ultérieur du cycle. En bref, le FOMC attend de mieux cerner l’évolution de la conjoncture et de l’inflation pour calibrer sa politique monétaire au cours des prochains mois.
Dans ce contexte particulier, les investisseurs ont «célébré» la contraction du PIB des Etats-Unis au deuxième trimestre. Le recul de 0,9% en rythme annualisé succède à un déclin de 1,6% au premier trimestre, ce qui nous vaut un débat partisan sur l’état de l’économie, qui serait en récession selon les Républicains ou juste soumise à un ralentissement selon les Démocrates. Le NBER, «arbitre» du cycle conjoncturel, rendra son verdict dans plusieurs mois, sur la base de chiffres qui seront probablement révisés. Quoi qu’il en soit, la dégradation de la conjoncture aux Etats-Unis ne fait aucun doute et résulte amplement de la flambée inflationniste: la croissance nominale est soutenue, mais exclusivement alimentée par l’augmentation des prix.
L’activité manufacturière affiche un léger recul
Alors que le PIB réel décline, les enquêtes de l’ISM infirment le diagnostic de récession. La jauge consacrée à l’activité manufacturière affiche un léger recul (53 en juin à 52,8 en juillet), mais s’inscrit au-dessus de 50 et loin des niveaux observés en période de récession (aux environs de 47 ou en dessous). Du côté des services, l’indice ISM met en lumière un renforcement de la marche des affaires en juillet (56,7 après 55,3 en juin). La vigueur de l’embauche reflétée par le dernier rapport de l’emploi (528.000 postes créés en juillet) et le déclin du taux de chômage à 3,5% devraient inciter la Fed à maintenir un cap restrictif pour rétablir la stabilité des prix.
Dans cette logique, les anticipations ont basculé vers un troisième relèvement de taux d’intérêt de 0,75% en septembre et un taux d’intérêt des «Fed funds» culminant entre 3,5% et 3,75% au printemps 2023. Le rendement du T-Note à 10 ans s’est redressé aux environs de 2,8% après s’être brièvement approché de 2,5% après la publication de la première estimation du PIB, mais reste inférieur aux rendements à 1 et 2 ans d’échéance qui avoisinent 3,25%, ce qui implique une inversion prononcée, mais partielle, de la structure des taux d’intérêt en dollars.
En Europe, la courbe des rendements en euros s’est fortement aplatie depuis que la BCE a relevé ses taux d’intérêt directeurs de 0,5%. Bien que la zone euro ait évité les affres de la récession au premier semestre, l’horizon conjoncturel s’est fortement assombri en raison de l’explosion du prix du gaz naturel qui résulte de la chute des livraisons en provenance de Russie. Le rendement du Bund allemand à 10 ans est tombé aux environs de 0,9% après avoir atteint 1,75% en juin. Les spreads associés aux BTP italiens ont fléchi dans un contexte où les investisseurs plébiscitent les actifs risqués qui bénéficient à nouveau du manque d’attrait des actifs les plus sûrs et du fragile espoir d’assister à un revirement des banques centrales dès 2023.
Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre a relevé son taux d’intérêt directeur d’un demi pourcent, à 1,75%, pour endiguer une inflation qui devrait atteindre 13% au quatrième trimestre et entraîner une récession. Ce tour de vis monétaire n’a pas eu grand impact sur la courbe des rendements en livres sterling qui a continué à s’aplatir, en phase avec le reste de l’Europe. Les rendements à long terme en francs suisses sont également sous le poids des risques de récession, malgré le message rassurant transmis par la dernière enquête du KOF.