Très attendue, la grand-messe des banquiers centraux à Jackson Hole s’est déroulée sans grande surprise. Jerome Powell a confirmé qu’une baisse des taux d’intérêt monétaires était imminente, validant les attentes unanimes des investisseurs et des négociants. La place importante accordée au marché du travail traduit un «biais» qui pourrait impliquer un assouplissement un peu plus rapide et ample que prévu. Le président de la Réserve fédérale (Fed) n’a toutefois pas dévoilé un plan de route précis. Pour reprendre les termes de son discours, «la direction du voyage est claire, mais le calendrier et le rythme dépendront des données à venir, de l’évolution des perspectives et de la balance des risques».
Bien que Jerome Powell n’ait fait aucune annonce marquante, il n’a pas cherché à contredire les anticipations qui préfigurent une réduction du taux des Fed funds de plus de 2 points de pourcentage à l’horizon de la fin de l’année 2025, dont 1 point au cours des trois dernières réunions du comité de politique monétaire (FOMC) en 2024. Ces projections restent incertaines, mais pourraient se matérialiser si le refroidissement du marché du travail se confirme et si le taux chômage poursuit son ascension au-delà du niveau de 4,3% atteint en juillet.
En phase avec le biais «amical» du discours de Powell, le procès-verbal de la dernière réunion du FOMC nous apprend qu’une vaste majorité des participants estimaient alors qu’une réduction du taux d’intérêt serait appropriée lors de la prochaine réunion pour autant que les données évoluent conformément à leurs prévisions. Le camp des «faucons» préoccupés par l’inflation semble très minoritaire au regard de celui des nombreuses «colombes» qui redoutent une récession et une augmentation accrue du chômage résultant d’un changement de cap trop tardif.
Sur le marché des capitaux, les rendements en dollars ont fléchi, notamment sur les échéances courtes. Le rendement du T-Note à 10 ans a reflué en dessous de 3,8%, à proximité du niveau entrevu début août durant l’épisode de stress exacerbé par les appels de marges et le dénouement précipité des «carry trades» provoqués par le rebond du yen. Sur le marché du crédit, comme à Wall Street, le rétablissement est presque complet. La panique a fait place à une certaine complaisance de la part des investisseurs qui placent une grande confiance dans la capacité de la Fed à éviter une récession.
En Europe, les rendements en euros sont stationnaires. Plusieurs représentants de la Banque centrale européenne (BCE) présents à Jackson Hole ont laissé entendre que la banque centrale s’apprêtait à réduire ses taux directeurs en septembre, mais le chef économiste de l’institution Philip Lane estime qu’un retour durable de l’inflation vers la cible de 2% n’est pas encore assuré. Dans le même registre, le gouverneur de la Banque d’Angleterre a déclaré vendredi qu’il était «trop tôt pour crier victoire», ce qui a provoqué un rebond marqué des rendements en livres sterling à court et moyen terme.
Le décalage entre la prudence affichée par les banquiers centraux européens et les signaux conciliants émis par Jerome Powell a accentué la pression sur un dollar qui a cédé l’entièreté des gains accumulés depuis le début de l’année. L’ampleur de cette correction est telle que la BCE, la Banque d’Angleterre et la Banque nationale suisse pourraient être amenées à se montrer plus incisives afin de contrer les effets d’une baisse rapide des taux d’intérêt en dollars.