A une semaine de l’investiture de Donald Trump, un constat s’impose: le républicain hérite d’une Amérique florissante, déjà dominante à bien des égards. L’actualité récente met en lumière une activité robuste défiant les pronostics d’atterrissage. L’indice de l’ISM consacré aux services, en hausse de 2 points à 54,1 en décembre, fait état d’un renforcement significatif de la marche des affaires et d’un regain des tensions inflationnistes: le sous-indice consacré aux prix a bondi de 58,2 en novembre à 64,4 en décembre. Le rapport de l’emploi publié vendredi passé confirme la vigueur des Etats-Unis. L’enquête auprès des entreprises fait état d’une augmentation des effectifs de 256.000 en décembre (après 212.00 en novembre et seulement 43.000 en octobre en raison des aléas météorologiques). Le reflux du taux de chômage de 4,2% en novembre à 4,1% en décembre et le déclin des demandes d’indemnités de chômage aux environs de 200.000 traduisent aussi un marché du travail bien portant.
L’actualité récente devrait donc conforter la Réserve fédérale (Fed) dans sa décision d’interrompre le cycle de baisses des taux d’intérêt amorcé en septembre, conformément aux signaux émis à l’issue de la réunion du comité de politique monétaire (FOMC) du 18 décembre. Les futures du CME sur le taux d’intérêt des Fed funds préfigurent désormais le maintien du statu quo jusqu’à l’été prochain et une baisse de taux limitée à 25 points de base au second semestre. Cette trajectoire est conforme au scénario ébauché par le gouverneur Christopher Waller qui, malgré sa réputation de «faucon», persiste à prévoir un reflux de l’inflation en 2025. Alberto Musalem, président de la Fed de Saint-Louis, a aussi évoqué la nécessité d’agir avec prudence, sachant que la Fed ne remplit pas encore la partie de son mandat ayant trait à l’inflation.
Des causes multiples
Sur le marché obligataire, c’est la soupe à la grimace pour les investisseurs déjà amplement exposés. Les rendements à long terme ont atteint les sommets brièvement explorés en octobre 2023, à proximité de 4,8% pour le T-Note à 10 ans. Les causes de cette correction sont multiples. D’aucuns y voient les prémices d’une nouvelle vague d’inflation, d’autres le réveil des «bond vigilantes» qui sanctionnent par avance le laxisme budgétaire de Trump. La Fed n’est pas plus à l’abri de tout soupçon, mais le rôle prédominant du rebond de rendements réels tend à disculper la banque centrale. En dépit d’une légère augmentation, les anticipations d’inflation restent assez bien ancrées.
L’accentuation de la pente de la «structure par terme» des taux d’intérêt semble essentiellement imputable à une augmentation des «primes de terme» (ou «term premium» en jargon) qui devrait s’estomper quand la politique fiscale élaborée par le duo Trump/Bessent sera dévoilée et validée par le Congrès. Dans l’immédiat, le marché obligataire reste vulnérable et de nombreux investisseurs préfèrent rester à l’abri en attendant d’observer les rendements à 10 ans qui pourraient culminer au-dessus de 5%.
Les marchés européens n’échappent pas aux turbulences. Le rendement du Bund allemand à 10 ans a franchi 2,6%. Bien que la zone euro soit loin d’afficher le même dynamisme que les Etats-Unis, la persistance de l’inflation observée en décembre (indice hors énergie en hausse de 0,3% sur un mois et 2,8% en glissement annuel) invite à reconsidérer la trajectoire des taux contrôlés par la Banque centrale européenne.
Les pays confrontés à une situation fiscale précaire, comme la France ou le Royaume-Uni, sont sanctionnés. Plus vertueuse, la Suisse n’est pas totalement épargnée: le rendement des emprunts de la Confédération à 10 ans s’est ainsi redressé aux environs de 0,5%.