L’arrêt a été communiqué la semaine passée à L’Agefi. Le Tribunal fédéral (TF) rejette le recours du titre qui contestait son exclusion de la liste des médias recevant l’aide à la presse pour la distribution du journal papier.
Éditée depuis 2017 par la Nouvelle agence économique et financière, L’Agefi a fait évoluer le contenu proposé à ses lecteurs. Outre son champ habituel consacré à la vie des entreprises et aux marchés financiers, un effort particulier a été produit dans le traitement de la politique suisse. Ce fut notamment le cas pendant la pandémie. Les votations populaires, communales, cantonales ou fédérales, font aussi l’objet de couvertures régulières. L’Agefi a aussi inscrit dans ses statuts qu’elle a pour but de produire «des informations à caractère général, en particulier politiques, économiques et financières» et de «contribue [r] activement à la formation de l’opinion, en priorité en Suisse romande».
Les nouveaux arguments juridiques écartés
Un premier recours auprès de l’Office fédéral de la communication puis un deuxième auprès du Tribunal administratif fédéral visaient la correction d’une inégalité de traitement. Telle qu’actuellement interprétée, l’aide à la presse est refusée à L’Agefi alors qu’elle profite à certains de ses confrères comme Le Temps. Les autorités responsables estiment que le titre vaudois est «spécialisé», ce qui l’exclurait des bénéficiaires de cette aide.
Dans son arrêt du 19 juin, le Tribunal fédéral rejette le recours déposé en janvier dernier et confirme la décision d’exclusion précédemment rendue. L’autorité a refusé de mener une expertise pour déterminer si L’Agefi relève ou non de la presse spécialisée, en considérant que la qualification d’un journal est une question de droit et pas de fait.
Le TF n’a par ailleurs pas retenu les arguments avancés dans le recours du média qui, compte tenu de la variété des thèmes qu’il traite, ne vise pas qu’un petit cercle de lecteurs, et n’est donc pas «spécialisé». Les juges écartent aussi les nouveaux arguments juridiques qui appuyaient le recours. En particulier ceux rappelant les débats parlementaires qui ont conduit à l’octroi d’un rabais de distribution actuellement en vigueur. Les parlementaires se souciaient de la diversité et du pluralisme journalistique conditions sine qua non de la démocratie. Or L’Agefi, média indépendant qui revendique une ligne libérale, y contribue. «Quand on lira à peu près la même chose partout, ce sera un véritable problème», déclarait par exemple le conseiller aux Etats Luc Recordon en 2009.
«Une distorsion de concurrence flagrante»
«Nous prenons acte de cette décision que nous déplorons. Il ne s’agit pas de regretter l’obtention d’une aide publique, mais de lutter contre une distorsion de concurrence flagrante», commente Frédéric Lelièvre, son directeur et rédacteur en chef.
Selon Me Bendetta Galetti, de l’étude Bourgeois Avocats qui défend L’Agefi, «un tel effet de la réglementation légale n’a pas été voulu par le législateur fédéral, qui a décidé d’intervenir parce qu’il s’est rendu compte d’un fait: la constitution de monopoles dans le domaine des médias et l’incapacité du marché à créer une concurrence suffisante entre les médias et une diversité médiatique». Depuis son entrée en vigueur dans les années 1990, l’aide indirecte à la presse a fait l’objet de critiques et de modifications dans la tentative d’atteindre son objectif, c’est-à-dire que «les médias soient pluriels, de qualité et engagés dans une certaine concurrence» afin de garantir, autant que possible, que «l’opinion et la volonté publiques puissent se former de manière autonome et indépendante.»
Le format de cette aide à la presse est toutefois encore appelé à évoluer. En début d’année, un nouveau concept a été proposé par la Commission fédérale des médias (Cofem). Il ambitionne notamment d’éviter les «dissymétries» sur le marché et les «mauvaises incitations». Jugée imparfaite et inapte à atteindre les objectifs visés, l’aide actuelle à la distribution serait en particulier abandonnée. «L’Agefi suivra de près le développement de la nouvelle règlementation et continuera à alimenter le débat afin de supprimer les inégalités du système actuel», conclut son directeur. (‘AGEFI)