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Une injustice faite à «L’Agefi» et à la presse 

ÉDITORIAL - Le marché de l'information est truqué. Mais le tribunal administratif fédéral s'en accommode.

Le problème pour le TAF est que L’Agefi traite de sujets «pour le moins complexes». Un exemple? «Les relations entre la Suisse et l’UE». Seule la presse traitant de sujets simples et immédiatement compréhensibles par tous mériterait donc d’être soutenue...
Le problème pour le TAF est que L’Agefi traite de sujets «pour le moins complexes». Un exemple? «Les relations entre la Suisse et l’UE». Seule la presse traitant de sujets simples et immédiatement compréhensibles par tous mériterait donc d’être soutenue...
15 décembre 2022, 21h00
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La justice a rendu cette semaine un bien mauvais service à L’Agefi en lui refusant le rabais de distribution de La Poste, dont bénéficie pourtant un très grand nombre de médias papier de Suisse romande. Le point en trois arguments sur cette regrettable décision du Tribunal administratif fédéral (TAF) qui concerne en réalité toute la presse.

Premier argument: L’Agefi est classée comme presse spécialisée et ne peut à ce titre prétendre à l’aide pour la presse locale et régionale. Nous contestons cette classification, en particulier en raison de l’importante transformation du média ces dernières années, qui a notamment pu être observée dans la couverture de la pandémie.

Qu’est-ce que la presse spécialisée? Problème, aucune loi ou ordonnance ne le définit. Le TAF a donc élaboré sa définition, sans consultation d’expert. Le tribunal reconnaît certes qu’une partie de nos articles sont «plus ouverts», qu’ils traitent de «questions politiques» (votation, guerre en Ukraine), mais deux problèmes demeurent. D’une part, le traitement de l’actualité est «très souvent» orienté sur l’économie. L’analyse économique n’est-elle pourtant pas un outil indispensable pour répondre aux défis de notre société? Que l’on songe au réchauffement du climat, à la pénurie d’électricité, aux coûts de la santé ou au financement des retraites…

Le libéralisme à deux vitesses du TAF distord le jeu de la concurrence qui nuit forcément aux lecteurs

Frédéric Lelièvre

D’autre part, L’Agefi traite de sujets «pour le moins complexes». Un exemple? «Les relations entre la Suisse et l’Union européenne». Seule la presse traitant de sujets simples et immédiatement compréhensibles par tous mériterait donc d’être soutenue… Avis aux confrères qui osent encore s’intéresser aux discussions entre Berne et Bruxelles.

Deuxième argument: l’aide ne s’adresse qu’à la presse locale et régionale. Sur ce point, le TAF ne s’étend guère. Pourtant, comment justifier que Le Temps, concurrent de longue date de L’Agefi en Suisse romande, soit soutenu? Car ce titre revendique, lui, une «dimension nationale», comme il l’écrit sur son site web.

Troisième argument: la décision du TAF entrave la liberté économique. Le tribunal le reconnaît. Il estime néanmoins le refus du rabais comme «proportionné» parce que l’aide à la distribution postale est limitée aux «petits éditeurs». Nouvelle appréciation surprenante pour au moins deux raisons. La première, L’Agefi est un média indépendant ancré dans le canton de Vaud depuis des décennies et qui ne forme en aucun cas un groupe. Seconde raison, la longue liste des bénéficiaires de l’aide, quelque 150 titres dans tout le pays, contient des journaux qui appartiennent à des éditeurs de grande envergure, tels Tamedia et ESH Médias.

Pour mémoire, L’Agefi ne demande pas une aide publique en tant que telle, mais exige une égalité de traitement. Or aujourd’hui, le marché est truqué. Le libéralisme à deux vitesses du TAF distord le jeu de la concurrence qui nuit forcément aux lecteurs.

Le recours au Tribunal fédéral reste la dernière option. L’Agefi l’étudie avec grand soin.