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Une loi majeure pour éviter les déserts médiatiques

Le dispositif fédéral – transitoire – se veut comme une reconnaissance du service public que nous rendons. Par Cédric Jotterand

«Le journal du district fait parler les siens, met en avant son territoire, son patrimoine, permet à des projets, à des acteurs et à des actrices de briller, comme un tremplin pour la suite dans un rôle fédérateur et non soumis à la dictature du clic.»
Keystone
«Le journal du district fait parler les siens, met en avant son territoire, son patrimoine, permet à des projets, à des acteurs et à des actrices de briller, comme un tremplin pour la suite dans un rôle fédérateur et non soumis à la dictature du clic.»
Cédric Jotterand
Le Journal de Morges - Directeur et rédacteur en chef
19 janvier 2022, 7h00
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Dans le cadre du référendum contre la «Loi fédérale sur un train de mesures en faveur des médias», «L'Agefi» publie une série de textes d’opinion de responsables de médias.


L’argent du contribuable doit-il subventionner les médias, se demande L’Agefi? La question n’est pas infondée, mais la réponse existe en réalité depuis de nombreuses années puisque des centaines de titres profitent déjà d’un rabais accordé sur la distribution postale.

Soupçonné de mettre en péril son indépendance à l’égard de l’Etat, le journaliste n’est souvent pas au courant de cette écriture comptable qui le lie à La Poste, ce qui le tient à mille lieues d’une quelconque influence.

Bien sûr, le paquet n’est pas parfait et la présence de grands groupes de presse – en particulier – interpelle les opposants. Mais quel compromis à la sauce helvétique est-il parfaitement équitable? Le canton de Vaud aime par exemple rappeler qu’il aide les familles par le biais des déductions fiscales, mais ces dernières ne profitent qu’à une partie des parents, indépendamment de leur situation financière, sans que cela ne fasse de vagues.

Mettre dans le même sac une rédaction locale et des news divertissantes qui s’empilent à la pelle sur le web n’a pas de sens.

Cédric Jotterand

Tout le problème tient en un mot qui regroupe maladroitement tous les acteurs de l’info dans une catégorie, celle des médias. Dans la bouche de nombreux commentateurs et d’une large frange du public, journaux et plateformes d’informations sont identiques, uniformes, comme les boulangeries ou les boucheries qui se ressemblent en effet souvent d’un quartier à l’autre.

Mais mettre dans le même sac une rédaction locale et des news divertissantes qui s’empilent à la pelle sur le web n’a pas de sens. A Morges, sans soutien étatique autre que ce fameux rabais postal, nous avons non seulement la conviction que nous servons une petite part de la démocratie, que nous éclairons des gens avant des élections ou lors d’un référendum sur le centre aquatique ou la hausse des impôts.

Et tout ne se résume pas – de très loin – à la politique. Le journal du district fait parler les siens, met en avant son territoire, son patrimoine, permet à des projets, à des acteurs et à des actrices de briller, comme un tremplin pour la suite dans un rôle fédérateur et non soumis à la dictature du clic.

Nous nous appuierons sur cette béquille pour nous mettre à la page technologique.

Cédric Jotterand

L’Agefi explique pourtant que la loi rate sa cible car soutenir les journaux qui en sont encore au papier équivaudrait à une forme de suicide assisté pour des éditeurs navigant à contre-courant de l’époque.

Est-ce fondé sur une étude scientifique ou sur l’air du temps? Après le passage du siècle qui a vu tous les titres régresser – parfois mourir – avec l’arrivée d’internet, nous avons relevé la tête en entrepreneurs (l’aide représente moins de 10% de notre budget) et ne cessons de progresser au niveau des abonnements, avec près de 7000 exemplaires distribués chaque semaine par le facteur, signe que le papier n’est pas tout à fait mort.

Dans le même temps, nous développons l’offre numérique pour les nouvelles générations, mais le problème est que dans ce domaine, les coûts ne sont malheureusement pas proportionnels à la taille des titres. Et ils ne peuvent pas être financés par une audience forcément limitée (la région couverte), ce qui nous prive logiquement de la manne des grands annonceurs nationaux.

Le dispositif fédéral – transitoire – se veut à mon sens comme une reconnaissance du service public que nous rendons 365 jours par an et nous nous appuierons sur cette béquille pour nous mettre à la page technologique, continuer à former la relève qui s’en va ensuite vers les grands titres et plus encore lutter contre les déserts médiatiques.

Afin de préserver ce vivre ensemble et poursuivre cette mission indispensable pour une communauté – petite ou grande – qui fait encore de sa feuille locale sa boussole. Qui n’indique certes pas le Nord mais qui permet de garder les pieds sur terre, au contraire des yeux rivés exclusivement sur l’écran de son téléphone.