Un récent sondage Ipsos a fourni un résultat prévisible: les Suisses souhaitent garder l’intégralité des prestations actuelles en matière de santé. Ils veulent une médecine de qualité sans trop savoir comment la payer. Choqués par la hausse des primes, ils cherchent des coupables: les médicaments trop chers (66%); la surconsommation médicale (55%); les surfacturations par les médecins et les hôpitaux (47%); le vieillissement de la population (41%). Ils ne mentionnent pas une autre évidence: les progrès de la médecine qui propose des traitements de plus en plus compliqués et donc plus chers.
Davantage surprenant, ils changent d’opinion sur deux questions, dans l’espoir de maîtriser leurs charges. Sur la question d’une caisse unique, qu’elle soit nationale ou cantonale, c’est oui à 61% contre 21%. Sur la prime en fonction du revenu, adoptée par 58% des sondés, tandis que seuls 26% la refusent. Elle remplacerait la prime par tête, une singularité suisse en Europe. Dès que l’assurance maladie est obligatoire, elle équivaut à un impôt, prélevé par le plus archaïque et le plus injuste des systèmes: l’impôt par tête, l’impôt de capitation.
Aucun système ne pourra annihiler deux réalités: nous vivons plus vieux parce que la médecine progresse
Jacques Neirynck
Si ces réformes étaient adoptées en votation, le coût diminuerait-il? Peut-être pour les citoyens qui paieraient moins à cause de leur faible revenu. A la limite ils pourraient ne rien payer du tout plutôt que de recevoir actuellement des subsides. Le coût augmenterait automatiquement pour les autres. En d’autres mots, les primes s’aligneraient sur la fiscalité. Dès lors à quoi servirait encore de prélever des primes selon un système simulant une assurance? Il serait plus simple de décider que la caisse publique, alimentée par les impôts de tous, couvre les frais actuellement imputés aux caisses maladie qui disparaissent. Forcément prélevé au niveau cantonal parce que les Appenzellois champions de la frugalité médicale ne vont pas compenser le prétendu gaspillage des Genevois.
On arriverait de la sorte à l’idée de sortir de la LAMal qui s’est avérée tellement inadéquate. La santé serait «gratuite» pour les patients, comme l’enseignement. Il faudrait en profiter pour viser toute la santé, dont sont exclus pour l’instant les soins dentaires comme si la mâchoire était un organe hors corps. Idem pour les prothèses auditives comme si la surdité n’était pas une déficience de la santé. Ces exclusions relevèrent d’un parti pris idéologique à l’époque de la création de ce système: on peut survivre sans dentition et sans audition; la vieillesse n’est pas une maladie, mais un inconvénient que l’on doit supporter si on n’a pas de fortune; comme elles capitalisent des mérites pour le Ciel futur, ces infirmités ne sont pas perdues.
Toutes ces considérations ne répondent pas à la question sous-jacente. Est-ce que cela va coûter moins cher? La caisse unique repose sur une théorie chère à la gauche: un service public serait plus économique que le secteur privé, plus éthique parce que personne ne ferait de bénéfice. L’expérience pourrait trancher, mais il serait trop tard pour revenir en arrière. Aucun système ne pourra annihiler deux réalités: nous vivons plus vieux parce que la médecine progresse.