Le peuple devrait-il accepter le 18 juin un nouvel impôt élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le G20 malgré l’opposition de la Suisse? La réponse est oui.
En 2020 sont entrées en vigueur la Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) et l’abolition des régimes fiscaux spéciaux. L’année suivante, l’OCDE/G20 adoptait son modèle d’imposition minimale de 15%, un taux supérieur à ce qui prévaut dans bien des cantons depuis la RFFA. Après cela que propose le Conseil fédéral?
Le Conseil fédéral a voulu assurer que la Suisse soit conforme au modèle OCDE/G20 dès son entrée en vigueur, le 1er janvier 2024, tout en limitant ce nouvel impôt au strict minimum.
Une augmentation générale du taux d’imposition à 15% dans les cantons où il est inférieur aurait dépassé le strict nécessaire. Le projet du Conseil fédéral n’impose que les groupes visés par l’OCDE, les groupes internationaux dont le chiffre d’affaires excède 750 millions d’euros, et ne couvre les groupes suisses que s’ils sont actifs à l’étranger. Cela viole les principes constitutionnels d’égalité de traitement et d’imposition en fonction de la capacité économique. Il a donc fallu prévoir une dérogation à ces principes, d’où la nécessité d’une nouvelle norme constitutionnelle.
Vu le fédéralisme fiscal, on aurait pu imaginer un nouvel impôt cantonal. Le problème est que l’OCDE prend comme référence l’imposition agrégée d’un groupe. Or, il se peut qu’un groupe atteigne les 15% d’impôt en moyenne, même s’il paie moins dans certains cantons. Par conséquent, le Conseil fédéral propose un nouvel impôt fédéral. Il va jusqu’à utiliser l’euro dans son projet pour parer à toute future dépréciation.
Pour les groupes concernés, cela représente une charge. C’est là qu’intervient le côté pile du projet. Le produit de l’impôt n’entrera pas dans les caisses de la Confédération: 75% retourneront aux cantons proportionnellement à l’impôt additionnel qui aura été prélevé dans chaque canton. Plus un canton sera contributeur, plus il recevra les moyens de promouvoir son économie.
Si le projet est refusé, des pays tiers pourraient prélever l’impôt
Christian Pauletto
La Suisse peut-elle compenser ce nouvel impôt par une baisse d’autres impôts? Non, car l’OCDE se base sur l’imposition agrégée. Elle pourrait réduire certaines taxes, mais la marge de manœuvre est limitée. L’abrogation du droit de timbre eut été une option, mais a été rejetée par le peuple. L’introduction de la taxe au tonnage pour les entreprises de transport maritime, qui a fait ses preuves à l’étranger, serait bienvenue.
Le projet prévoit deux phases, une ordonnance provisoire et une future loi. Grâce à l’ordonnance, la Suisse sera conforme dès le jour de l’entrée en vigueur du modèle OCDE, évitant qu’un pays tiers n’en profite pour prélever la différence d’impôt sur des groupes suisses. Cela donne le temps au législateur de préparer une loi au moment où il disposera de l’expérience acquise et saura comment les autres pays appliquent le modèle, et de viser la meilleure mise en œuvre possible.
Ce projet est la solution qui préserve le mieux l’attractivité du pays. Si le projet est refusé, des pays tiers pourraient prélever l’impôt. Toutefois, un autre scénario est possible. Fiscalement souverain, un canton pourrait bricoler sa propre solution, mais de manière moins ciblée que le projet actuel, car il ignore l’imposition de l’ensemble du groupe en Suisse. Il aurait toutes les peines du monde à plaider sa cause devant une autorité étrangère. Il n’y aurait que des perdants: la Confédération, les cantons, les entreprises et, au final, chaque contribuable.