Les décisions du pouvoir politique ont un énorme impact sur l’industrie automobile mais ces décisions sont parfois dénuées de logique industrielle voire de bon sens. Par exemple, c’est suite à des positions politiques que les moteurs diesel se sont répandus comme une traînée de poudre en Europe – jusqu’au Dieselgate – alors que cette technologie n’a pas rencontré de succès aux Etats-Unis.
Récemment, le zurichois Emil Frey, un des principaux distributeurs automobiles en Europe, a annoncé son intention de commercialiser des voitures électriques du géant chinois Great Wall Motor. Cette annonce fait suite à la décision de BYD, un autre grand constructeur automobile chinois, de pénétrer le marché européen. En outre, un autre chinois, Aiways, a ouvert il y a peu une filiale en Suisse. Avec sa présence au salon «Auto Zurich», Aiways ne cherche plus à juste observer le marché mais bien à acquérir des clients.
Comment expliquer cet engouement soudain des constructeurs automobiles chinois pour le marché européen? Je leur ai naturellement posé la question et toutes leurs réponses mettent en exergue une décision politique majeure: en juin de cette année, la Commission européenne a décidé d’interdire la vente des voitures à combustion à partir de 2035. Comme cette décision est passablement dénuée de logique industrielle et de bien-fondé écologique, les constructeurs automobiles européens – à commencer par Carlos Tavares, CEO de Stellantis – s’arrachent les cheveux. Naturellement, ces constructeurs européens se demandent pourquoi leurs parlementaires ne se sont pas contentés de définir des objectifs environnementaux ambitieux pour laisser aux experts industriels la tâche de trouver les meilleures solutions possibles pour atteindre ces buts.
J’aurais préféré que la libre concurrence ne soit pas sacrifiée sur l’autel du dogmatisme des parlementaires européens
Philippe D. Monnier
Comme les véhicules électriques sont nettement plus onéreux que les voitures à combustion, il est fort probable que la classe moyenne européenne se rue sur les voitures électriques d’entrée de gamme, donc probablement fabriquées en Chine. Naturellement, les répercussions sur l’emploi au sein des constructeurs et des fournisseurs européens (suisses y compris) risquent bien d’être fâcheuses.
Heureusement, les entreprises suisses ont maintes fois prouvé leur résilience face aux crises. Et concernant les industriels chinois, je m’empresse de préciser que je n’ai rien contre eux mais j’aurais préféré que la libre concurrence ne soit pas sacrifiée sur l’autel du dogmatisme des parlementaires européens.
Les décisions politiques suisses sont généralement plus pragmatiques que celles des parlementaires européens, sans doute grâce à notre démocratie directe. Malheureusement, lorsque l’interdiction de l’Union européenne deviendra réalité en 2035, elle sera presque toujours automatiquement appliquée en Suisse pour des questions assez complexes d’immatriculation.