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Comment la pandémie a affecté la structure de la croissance

Certains secteurs connaissent des pressions sur les prix (construction) qui ne sont pas compensées par une baisse des prix sur les segments où l’activité a diminué (hôtellerie). Par Cédric Tille

«Les prix ont fortement augmenté depuis fin 2019 dans la construction, ce qui n’était pas la tendance» avant la pandémie.
Keystone
«Les prix ont fortement augmenté depuis fin 2019 dans la construction, ce qui n’était pas la tendance» avant la pandémie.
Cédric Tille
Graduate Institute Geneva - Professeur d’économie
19 avril 2022, 20h00
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L’effet de la pandémie Covid sur le niveau du PIB a été brutal en 2020, mais somme toute de courte durée, l’activité économique étant revenue sur sa tendance initiale. La situation est cependant très hétérogène entre les secteurs, avec de forts gains pour les industries manufacturières et le commerce, et une baisse durable pour l’hôtellerie et la restauration.

Le défi pour la politique économique est donc de gérer une composition changeante de la croissance.

L’impact très temporaire de la pandémie

Les statistiques du PIB fournies par le Seco indiquent que la croissance du PIB a retrouvé sa cadence d’avant la pandémie. Le graphique ci-dessous montre la croissance en termes nominaux (PIB en valeur, partie du haut), ainsi que la décomposition entre la croissance du PIB réel (partie du milieu) et les prix (partie du bas). Le graphique contraste trois périodes: les deux ans avant la pandémie (jusqu’au 4ème trimestre 2019, barres bleues), les six mois de récession (du 4ème trimestre 2019 au 2ème trimestre 2020, barres vertes), et les deux dernières années (barres rouges). Cette dernière période commençant au 4ème trimestre 2019 montre la croissance depuis le dernier trimestre avant la pandémie, c’est-à-dire la période incluant aussi bien la récession que la reprise suivante.

Comment la pandémie a affecté la structure de la croissance

Sans surprise, les six premiers mois de 2020 montrent une forte récession avec une chute du PIB de 7,9% en termes nominaux (7,4% en termes réels, barres verte). Cette mauvaise passe a cependant été de courte durée. La croissance du PIB nominal entre fin 2019 et fin 2021 (4,0%, barre rouge) a été très proche de celle entre fin 2017 et fin 2019 (4,1% barre bleue).

En d’autres termes, l’économie s’est remise du creux de la crise Covid, et se retrouve au même point que si elle avait continué de croître à son rythme d’avant la pandémie. C’est un peu moins le cas pour le PIB réel (croissance 2,2% sur les deux dernières années, contre 4% avant), mais le décrochement de 2020 a été largement rattrapé.

Une situation très hétérogène

Tous les secteurs d’activité n’ont pas été logés à la même enseigne, loin s’en faut, comme le montrent les données de la croissance par secteurs. Pour clarifier l’analyse, concentrons-nous sur les changements avant la crise et ceux couvrant la récession et la reprise, ainsi que sur les secteurs principaux (près de 95% du PIB).

En termes nominaux (valeur en francs), plusieurs secteurs ont connu une croissance plus forte depuis fin 2019 qu’avant. C’est le cas pour les industries manufacturières. Sans surprise l’industrie pharmaceutique et chimique a connu une forte croissance, mais c’était déjà le cas avant la pandémie. L’activité des autres industries manufacturières a quant à elle augmenté à une cadence nettement plus forte que par le passé.

Comment la pandémie a affecté la structure de la croissance

Le commerce est un autre secteur qui a connu une nette accélération de sa croissance, aussi bien pour le commerce de gros que de détail. D’autres secteurs en revanches souffrent de manière plus persistante, avec une activité toujours en baisse deux ans après le début de la pandémie. Il s’agit, sans surprise des transports, de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que – de manière plus inattendue – de la finance.

Enfin plusieurs secteurs ont connu un rythme de croissance similaire à celui d’avant la pandémie. Il s’agit de a construction, de la santé, et des administrations publiques, ce qui montre que la pandémie n’a pas donné lieu à un gonflement de l’Etat.

Croissance réelle et prix

L’analyse de l’évolution du PIB nominal doit être complétée par celle de l’activité en termes réels, laquelle est un meilleur indicateur des conséquences pour l’emploi par exemple.

Comment la pandémie a affecté la structure de la croissance

Nous constatons là aussi que la croissance de l’activité manufacturière s’est accélérée depuis fin 2019. La situation est contrastée entre la pharmacie et chimie, dont le taux de croissance est resté stable et élevé, et les autres activités manufacturières où la croissance a augmenté. Le secteur du commerce montre un grand contraste entre une accélération de la croissance pour le commerce de détail, mais un fort ralentissement pour le commerce de gros où l’activité reste en dessous du niveau de fin 2019. Il en va de même pour la construction, les transports et l’hôtellerie et restauration.

Le dernier segment de l’analyse porte sur les indices de prix par secteurs. Rappelons que les données vont jusqu’à fin 2021 et ne couvrent donc par la récente hausse de l’inflation. Le graphique ci-dessous montre que les prix ont baissé dans les industries manufacturières, une évolution déjà observée avant la pandémie. Ils ont en revanche fortement augmenté depuis fin 2019 dans la construction et le commerce de gros, ce qui n’était pas la tendance auparavant.

Comment la pandémie a affecté la structure de la croissance
Plus la croissance est inégale plus elle peut être source d’inflation

Cédric Tille

Notre analyse montre que si l’économie suisse a largement digéré la récession Covid avec une forte reprise dès 2020, la situation est très contrastée entre les différents secteurs. L’industrie pharmaceutique et chimique reste sur une croissance forte, et les autres activités manufacturières ont connu une accélération de leur activité réelle et en valeur depuis fin 2019. Le commerce a aussi pris de l’ampleur, mais la situation est contrastée entre le commerce de détail, où l’activité réelle a augmenté, et celui de gros caractérisé par une hausse des prix. D’autres secteurs, notamment les transports et l’hôtellerie et restauration restent à un niveau d’activité nettement en dessous de celui précédent la pandémie.

Le fort contraste sectoriel ne va pas faciliter la tâche de la politique économique. Certains secteurs connaissent des pressions sur les prix (construction, commerce de gros) qui ne sont pas compensées par une baisse des prix sur les segments où l’activité a diminué (transports, hôtellerie). Cette situation est en ligne avec plusieurs travaux de recherche qui ont montré que les prix tendent à augmenter plus facilement qu’ils ne diminuent, auquel cas plus la croissance est inégale plus elle peut être source d’inflation.


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