Les pouvoirs publics ont fortement délié les cordons de la bourse pour faire face à la récession due à la pandémie, conduisant à une hausse de la dette publique. Fin 2002 celle-ci devrait se monter à 102 milliards pour la Confédération, et 209 milliards pour l’ensemble des administration publiques.
Le Parlement se penche sur plusieurs scénarios pour éponger la dette accumulée depuis début 2020, avec un étalement plus ou moins long de l’effort. Mais pourquoi vouloir absolument rembourser? Comme la hausse des dépenses était clairement temporaire, nous pouvons simplement laisser la croissance éroder le poids de la dette.
La dette demeure faible
Mettons tout d’abord les choses en perspectives. La dette de la Confédération a certes augmenté passant de 88 milliards en 2019 à 102 en 2022 (ligne bleue dans la figure ci-dessous), et les prévisions montrent une baisse dans les années à venir. 14 milliards de hausse c’est effectivement substantiel. Mais cela ne fait qu’amener la dette à son niveau de 2013, et bien en dessous du niveau des années 2000. En outre, ce n’est pas le montant absolu de la dette qui importe, mais son ratio par rapport à la taille de l’économie. Celui-ci est faible, atteignant 13,4% en 2022 (ligne rouge), soit grosso-modo la moitié du pic de 2002. Force est de constater que si nous avons connu une récession historique, les finances publiques ne se sont que modérément détériorées. Il n’y a donc pas péril en la demeure.

Certes la Confédération n’a pas été la seule impliquée dans la gestion de la crise. Les Cantons, Communes et assurances sociales ont également fait de nets effort. Mais la donne ne change pas vraiment si nous considérons l’ensemble des administrations publiques. Le graphique ci-dessous montre que certes le montant absolu de la dette n’a que peu diminué, mais la croissance économique l’a malgré tout clairement réduit par rapport au PIB, passant de 46,3% en 2003 à 27,3% en 2022.

Evolution future du PIB et des taux d’intérêt
Les prévisions de l’Administration Fédérale des Finances (AFF) illustrées dans les figures ci-dessus montrent une réduction de la dette en valeur absolue dans les années à venir. Mais est-ce bien nécessaire ? Pour répondre à cette question, nous avons besoin de projections pour la croissance du PIB et des taux d’intérêt.
La croissance du PIB peut être prise des chiffres de l’AFF jusqu’en 2025. Au-delà, nous prenons les estimations du SECO pour la croissance réelle 1,4%, et y ajoutons 0,8% d’inflation pour obtenir la croissance du PIB nominal.
Pour ce qui est du taux d’intérêt, les données des finances de la Confédération nous donnent les dépenses d’intérêt. En les exprimant par rapport au montant de la dette, nous voyons que le taux d’intérêt implicite a nettement baissé et se situe actuellement autour de 1 % comme le montre la figure ci-dessous. Notons que ce chiffre montre les intérêts payés sur les obligations émises dans le passé, alors que les taux en vigueur étaient plus élevés qu’actuellement. Nous pouvons donc nous attendre à une baisse additionnelle lorsque ces emprunts seront refinancés.

Pour évaluer les taux futurs, nous prenons les anticipations du marché sur la base de la courbe de rendement des obligations de la Confédération. La ligne rouge ci-dessous montre le rendement jusqu’à maturité, et la ligne bleue indique le rendement implicite sur l’année en question (par exemple, les rendements aux horizons de 9 et 10 and sont de 0.04% et 0.07%, ce qui implique un rendement de 0.34% pour la 10ème année). Les marchés escomptent donc des taux négatifs dans les prochaines années, puis légèrement positifs par la suite. Pour faire large, notre analyse considère des taux entre 0% et 1%.

Projections pour la dette
Le dernier élément dont nous avons besoin est la projection du solde primaire des finances publiques (avant paiement des intérêts). Nous considérons deux cas : le solde primaire est égal à zéro dès 2023 dans le premier, et depuis 2026 dans le second. Jusqu’à ces dates nous prenons les projections de l’AFF.
La figure ci-dessous présente l’évolution du montant de la dette de la Confédération en milliards jusqu’en 2050. Les quatre scénarios diffèrent selon le taux d’intérêt (0% pour les lignes solides, 1% pour les lignes pointillées) et la date à laquelle le solde primaire passe à zéro (2023 pour les lignes bleues, 2026 pour les lignes rouges). La dette n’augmente que si le taux d’intérêt et positif.

Comme indiqué plus haut, la mesure pertinente est le ratio de la dette au PIB. Celui-ci est illustré dans la figure ci-dessous pour les quatre scénarios, la ligne noire pointillée indiquant la valeur de 2019. Quel que soit le scénario considéré, le poids de la dette montre une claire tendance à la baisse, et devrait rejoindre sa valeur de 2019 dans une dizaine d’années au pire des cas. La raison pour cette tendance est simplement que le taux d’intérêt est nettement inférieur au taux de croissance. Par conséquent, la force dominante est que la hausse du PIB dilue automatiquement la dette. La Confédération peut tout à fait se permettre de ne pas rembourser la dette Covid et laisser la croissance faire son travail.

Le constat est similaire si nous considérons l’ensemble des administrations publiques, comme le montre la figure ci-dessous. La seule différence est que l’année à laquelle le solde primaire passe à zéro ne change que très peu la donne, car les projection de l’AFF montrent que les soldes ne sont que légèrement positifs jusque là.

Comme nous assistons actuellement à un mouvement à la hausse des taux, il est possible que le scénario s’avère moins favorable que celui présenté. Cependant, le mouvement récent reflète une hausse de l’inflation, qui-ci devrait être temporaire (ceci explique la bosse de la ligne bleue dans la figure de la courbe de rendements des obligations de la Confédération). En outre, une hausse de l’inflation se traduit aussi par une hausse de la croissance du PIB nominal, ce qui au final laisse l’écart entre le taux de croissance du PIB et le taux d’intérêt inchangé. Or c’est bien cet écart qui est important pour la dynamique future de la dette.