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Les médias face à un nouveau vote populaire

Selon les premiers sondages, les 151 millions de francs par année supplémentaires prévus pour aider les médias ne font pas l'unanimité auprès de la population suisse. Résumé des éléments essentiels de cette votation

Pour les milieux libéraux, l'aide aux médias en ligne crée un précédent dangereux. Pourquoi injecter des fonds directement dans un secteur économique privé en particulier et pas dans un autre, interrogent-ils.
Keystone
Pour les milieux libéraux, l'aide aux médias en ligne crée un précédent dangereux. Pourquoi injecter des fonds directement dans un secteur économique privé en particulier et pas dans un autre, interrogent-ils.
20 janvier 2022, 11h33
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Trois ans après le rejet de l'initiative "No Billag", les médias doivent à nouveau affronter un vote populaire. Les Suisses diront le 13 février s'ils soutiennent une augmentation de 151 millions de francs par année de l'aide à une branche mise à mal par la diminution de ses recettes publicitaires. Ce soutien financier n'est pas acquis, selon les premiers sondages.

Au fil des années, les recettes des médias traditionnels ont fondu au profit des plateformes Internet et des médias sociaux. La conséquence en est un appauvrissement du paysage médiatique suisse. Plus de 70 journaux, dont l'Hebdo en Suisse romande, ont disparu depuis 2003.

La couverture des événements suisses s'est affaiblie, provoquant une carence d'informations, notamment régionales et locales, affirme la ministre de la communication Simonetta Sommaruga. Et de rappeler que le paquet d'aide aux médias "garantit que les habitants de toutes les régions continuent d'être informés de ce qui se passe à proximité de chez eux".

Indépendance remise en question

Pour le comité référendaire "Non aux médias contrôlés", ces aides étatiques décrédibilisent les médias. Ils perdent leur indépendance et ne peuvent plus jouer leur rôle de quatrième pouvoir.

L'autonomie des journalistes n'est aucunement remise en cause, réfute Mme Sommaruga. Le projet s'appuie sur des instruments éprouvés et en place depuis longtemps, qui n'ont jamais fait naître de soupçons sur le travail des médias.

La presse écrite disposera d'un total de 120 millions pour la distribution des titres en abonnement ou des journaux associatifs. Une enveloppe de 30 millions est nouvellement prévue pour soutenir les médias en ligne dans leur transition numérique.

Un troisième volet augmenté à 28 millions, pris sur la redevance radio-TV, bénéficiera aux agences de presse, aux écoles de journalisme et au Conseil suisse de la presse. Le projet prévoit également une hausse de la quote-part pour les radios et les télévisions privées. Leur subvention doit passer de 81 millions à un maximum de 109 millions de francs par année.

Essentiel à la démocratie

"Sans les médias, il manque des informations importantes", avance la ministre de la communication. Google ou Facebook ne parlent pas de ce qui se passe dans les régions, soulignent également les partisans du train de mesures, soutenu par les éditeurs, les milieux culturels et sportifs, la gauche et les Vert'libéraux.

Ils gagnent aussi de l'argent en publiant des contenus des médias, sans les rémunérer. "C'est une grande perte pour la population des régions concernées."

Les partisans de l'aide publique considèrent les radios, les journaux locaux, les télévisions régionales ou les médias en ligne comme indispensables. Ils sont essentiels à la démocratie et à la cohésion sociale, avancent-ils.

Des médias financés par l'Etat empêchent le débat public et détruisent la liberté d'expression. C'est un poison pour la démocratie

Les opposants de l'aide publique des médias.

Ils couvrent les événements politiques, économiques, culturels, sportifs et de société. Les débats politiques et sociaux ont besoin d'informations diversifiées, crédibles, fondées, voire dérangeantes parfois, soulignent-ils. Et les journalistes gardent les autorités à l'oeil.

Un point de vue contesté par les opposants. "Des médias financés par l'Etat empêchent le débat public et détruisent la liberté d'expression. C'est un poison pour la démocratie", affirment-ils.

Gaspillage d'argent

Le comité référendaire voit surtout dans ces aides un gaspillage de l'argent du contribuable. Le projet n'améliorera pas la capacité d'adaptation des médias. Les aides additionnelles risquent de manquer leur cible et d'engendrer de nouvelles dépendances, avertit economiesuisse.

Pour les milieux libéraux, l'aide aux médias en ligne crée un précédent dangereux. Pourquoi injecter des fonds directement dans un secteur économique privé en particulier et pas dans un autre, interrogent-ils.

Par ailleurs, le subventionnement profitera avant tout aux grandes maisons d'édition, comme TX Group, CH-Media, Ringier ou Hersant. Ils empocheraient 70% du paquet, selon les calculs du comité référendaire.

Alors qu'ils ont gagné plus de 300 millions en 2020, année de covid, ces subventions vont les renforcer, reproche-t-il. Et la concentration de médias sera plus importante, affirment encore les opposants aux mesures d'aide, soutenus par l'UDC, le PLR ou encore l'Union suisse des arts et métiers.

Les aides sont dégressives, oppose l'Office fédéral de la communication. Plus les tirages des journaux sont élevés, plus les subventions seront basses. Les petits éditeurs en profiteront donc davantage.(ATS)


Dans le cadre du référendum contre la «Loi fédérale sur un train de mesures en faveur des médias», L’Agefi publie une série de textes d’opinion. A lire via ce thread Twitter.

Une combinaison de mesures pour 151 millions de francs par an

Le train de mesures en faveur des médias prévoit une hausse des aides de 151 millions de francs par an. Il s'agit d'une combinaison de soutiens indirects, pour la distribution des journaux notamment, et directs, pour les médias en ligne.

L'aide à la distribution des journaux représente la part du lion. Celle-ci passerait à 120 millions de francs par année, soit une augmentation de 70 millions. C'est plus du double qu'actuellement.

Une enveloppe de 40 millions de francs est prévue pour la distribution matinale et dominicale, un domaine qui n'est pas subventionné aujourd'hui. Une telle mesure était réclamée avec insistance par les éditeurs.

Vingt millions supplémentaires seront alloués à la distribution ordinaire des quotidiens, hebdomadaires et bihebdomadaires en abonnement. La subvention passera ainsi à 50 millions. La distribution de la presse associative et des fondations, comme les magazines du TCS ou du WWF, sera soutenue avec 10 millions supplémentaires, soit 30 millions en tout.

Ce volet passe par une révision de la loi sur la Poste. Les fonds seront pris sur les ressources générales de la Confédération.


Aussi pour les médias numériques

L'aide aux médias en ligne proviendra également du budget de la Confédération. Une nouvelle loi spécifique prévoit un chèque de 30 millions pour cette aide directe. Elle vise à favoriser la transition numérique.

Les contributions versées pourront atteindre au maximum 60% du chiffre d'affaires. Les médias gratuits sont exclus des aides.

Ces financements, pour la distribution et les plateformes en ligne, seront dégressifs. Ils profiteront proportionnellement davantage aux petits acteurs. Cette adaptation voulue par le législateur vise à contrecarrer le processus de concentration de la presse.

Pour ces deux volets, les montants s'élèvent à 100 millions par an au total. Ces aides sont limitées à sept ans.

Agence et écoles de journalisme

Un troisième volet concerne les agences de presse, les écoles de journalisme et le Conseil suisse de la presse. L'argent provient de la redevance radio-tv, pour un maximum de 28 millions de francs, contre 5 actuellement.

Les agences devront notamment garantir une offre équivalente en allemand, français et italien. La distribution de dividendes sera interdite tant que ces organes reçoivent un soutien financier.

Le train de mesures prévoit enfin une hausse de la quote-part de la redevance prévue pour les radios et télévisions privées. Celle-ci passerait de 4-6% à 6-8%.

Un maximum de 28 millions supplémentaires serait ainsi à disposition de ces diffuseurs régionaux. Leur subvention passerait de 81 à 109 millions de francs au plus par année.

Ces deux pans, d'un montant de 51 millions par an, sont illimités dans le temps.

Le peuple s'est prononcé à plusieurs reprises sur les médias

Ce n'est pas la première fois que les médias font face à un scrutin populaire. Les attaques précédentes se concentraient principalement sur la redevance radio-TV. En 2018, l'initiative "No billag" a échoué par plus de 70% des voix.

L'initiative visait en particulier la SSR qui reçoit 1,25 milliard de francs par année, soit 94% de la redevance. Les milieux libéraux dénonçaient la dérive monopolistique d'une SSR surdimensionnée et grassement payée grâce à une taxe imposée à tous. La droite conservatrice avait depuis des années dans son collimateur une SSR qu'elle estime infiltrée par la gauche.

Tous les partis, à l'exception de l'UDC et une minorité du PLR, s'étaient opposés à un démantèlement des médias. La SSR n'est pas la seule à compter sur l'argent de la redevance pour fonctionner: 21 radios locales et 13 télévisions régionales se partagent une part de ces revenus, rappelaient-ils.

L'initiative "Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)" aurait interdit à la Confédération de subventionner toute chaîne de télévision ou de radio et de prélever une redevance de réception. Les concessions auraient été mises aux enchères. Dans la foulée du vote, la SSR avait annoncé un plan d'économies de 100 millions de francs.

Désamour ancien

Le désamour de la population envers la SSR existe depuis longtemps, même s'il ne s'est jamais concrétisé dans les urnes. Une fois seulement, les opposants à la taxe ont failli gagner: le 14 juin 2015, le peuple a accepté de justesse, par 50,08% des voix, la révision de la loi sur la radio et la TV généralisant la redevance, grâce au soutien de la Suisse romande.

50,08%

Le 14 juin 2015, le peuple a accepté de justesse, par 50,08% des voix, la révision de la loi sur la radio et la TV généralisant la redevance


Entre 1982 et 2013, trois initiatives populaires n'ont pas abouti. La dernière en date n'a récolté que 10'000 signatures, soit un dixième seulement du quota nécessaire.

Le monopole de la SSR s'est effondré au début des années 1980. Le premier à s'y être attaqué est Roger Schawinski et sa radio pirate diffusée depuis l'Italie. Les émetteurs privés, financés par la publicité, ont été autorisés en 1983 grâce à l'ordonnance sur les essais locaux de radiodiffusion et en 1992 par la loi sur la radio et la télévision.(ATS)