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Un fantasme coûteux

Les prétextes invoqués pour se lancer dans l’édition de manuels scolaires suisses paraissent bien minces.

Les élèves romands abandonnent les manuels de l’enseignement français, avec les références en euro et les «quatre-vingt-dix», pour des moyens proches de leur langue au quotidien. Est-ce une bonne idée?
KEYSTONE
Les élèves romands abandonnent les manuels de l’enseignement français, avec les références en euro et les «quatre-vingt-dix», pour des moyens proches de leur langue au quotidien. Est-ce une bonne idée?
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
21 janvier 2025, 15h00
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Jusqu’à présent, les moyens utilisés pour enseigner le français aux élèves romands étaient édités en France. Il est apparu qu’un moyen d’enseignement créé par des enseignants romands qui connaissaient aussi le contexte de l’école romande était une plus-value.

On ne sait pas à qui est apparue cette prétendue plus-value ou quelle instance aurait le pouvoir de gérer l’enseignement qui appartient en principe aux cantons. Rappelons que la Suisse n’a pas de ministre de l’Education au niveau fédéral.

Les élèves abandonnent les manuels scolaires de l’enseignement français, avec les références en euro et les «quatre-vingt-dix», pour laisser place à des moyens proches de leur langue au quotidien. Est-ce un objectif? Existe-t-il une langue franco-provençale, propre à la Suisse romande, qui ne serait pas le français partagé par la France, le Québec, la Wallonie et surtout la majorité des Africains répartis dans 18 pays?

Un but pragmatique de l’enseignement n’est manifestement pas de prolonger les singularités locales, mais de viser la maîtrise d’une langue partagée par tous les francophones. C’est déjà un programme ambitieux. Il s’agit par exemple d’être capable de rédiger une lettre qui ne comporte pas de fautes d’orthographe, y compris dans le piège de l’accord du participe passé qui persiste à poser des problèmes, même à des universitaires.

Nos impôts ne servent-ils pas dans certains cas à promouvoir des activités dont nous n’avons nul besoin et que nous n’avons pas requises?

Jacques Neirynck

Un Suisse romand est amené à voyager au-delà de ses frontières, à utiliser l’euro et à subir l’aberration de la numération vicésimale répandue en France à partir de Paris. Ce n’est pas un viol de l’identité culturelle. Les prétextes invoqués pour se lancer dans l’édition de manuels suisses paraissent bien minces. Apparemment il n’y a pas eu de demande des parents d’élèves.

En revanche, l’ambition de certains maîtres a peut-être été décisive. Il est tentant d’échapper à la routine de l’enseignement perpétuellement répété pour se lancer, seul ou à plusieurs, dans la rédaction d’un ouvrage créatif. Car ces nouveaux manuels ne seront pas gratuits. Il a fallu subventionner le ou les auteurs, pendant combien de temps? L’édition elle-même sera plus dispendieuse que de commander des manuels français diffusés en grand nombre.

Bref, dans la gestion des ressources attribuées à l’enseignement était-ce une tâche prioritaire, urgente, indispensable, réclamée à cor et à cri? Ou bien est-ce une décision prise dans l’entre-soi d’une administration? Cet argent n’aurait-il pas été mieux dépensé en améliorant l’encadrement des élèves du primaire au point que 10% en arrivent à ne même pas savoir lire? Ou encore à une réduction du montant des impôts qui financent ce genre d’opérations redondantes?

En élargissant la focale, on doit se demander s’il ne s’agit pas d’un exemple type de gaspillage bureaucratique qui se répète dans d’autres secteurs. Nos impôts ne servent-ils pas dans certains cas à promouvoir des activités dont nous n’avons nul besoin et que nous n’avons pas requises, à propulser des carrières de fonctionnaires qui se sentent inutiles et qui ne se rendent même pas compte qu’ils l’avouent en se flattant d’entreprendre des tâches inutiles?