Le travail à temps partiel est de plus en plus fréquent en Suisse. Selon l’Office fédéral de la statistique, il concerne aujourd’hui près de 38% des personnes actives (contre 25% en 1991). Cette évolution est surtout sensible chez les hommes, où la proportion de taux partiel a passé de moins de 8% en 1991 à presque 20% en 2023. Même si des nécessités de garde d’enfants ou de formation, ou des raisons de santé, figurent parmi les raisons invoquées, le désir d’avoir plus de temps libre est très présent et il constitue de loin le principal motif du temps partiel chez les personnes disposant d’une formation supérieure.
On peut sans doute se réjouir de ce que notre niveau de vie élevé permette à un nombre croissant de personnes de consacrer davantage de temps à leurs loisirs. L’évolution de notre société fait que l’activité professionnelle n’y occupe plus une place centrale. Les employeurs se sont adaptés à cette nouvelle situation, même si l’organisation du travail ne s’en trouve pas toujours simplifiée. Ce qui inquiète surtout les entreprises, c’est que cette évolution n’aide pas à surmonter la pénurie de main-d’œuvre constatée dans divers secteurs. Mais on fait face ici à des choix individuels et il n’est pas dans nos mœurs de contraindre les individus à travailler davantage s’ils ne le souhaitent pas.
En revanche, il est indispensable de veiller à ce que les travailleurs qui renoncent librement à un emploi à 100% assument les conséquences de ce choix et ne demandent pas à la collectivité de suppléer à la modicité de leurs revenus.
Certaines prestations sociales sont versées à des personnes dont on ne vérifie pas qu’elles exploitent pleinement leur capacité de gain
Pierre-Gabriel Bieri
Cette préoccupation, qui semble aller de soi, s’impose lorsqu’on constate que certaines prestations sociales, de plus en plus coûteuses pour les collectivités publiques, sont versées sans trop de discernement à des personnes dont on ne vérifie pas qu’elles exploitent pleinement leur capacité de gain. C’est en particulier le cas des subsides à l’assurance-maladie dans le canton de Vaud, qui pèsent près d’un milliard de francs dans le budget cantonal. Le législateur s’est montré conscient des risques d’abus: la loi affirme qu’une personne ne peut pas être considérée comme étant de condition économique modeste si l’insuffisance de ses ressources financières résulte d’un choix délibéré de sa part. Dans la pratique pourtant, l’administration s’octroie une très large marge d’appréciation.
Toujours dans le canton de Vaud, un constat similaire concerne les prestations complémentaires pour familles, pour lesquelles aucun taux d’activité minimum n’est prévu, et dont on découvre que les bénéficiaires présentent des taux d’activité (cumulés dans le cas des familles biparentales) bien inférieurs à la moyenne. Il serait pourtant possible de fixer des exigences minimales, y compris pour les parents ayant la charge de leurs enfants, en se fondant notamment sur une jurisprudence du Tribunal fédéral. Il serait ainsi possible de contenir la croissance des charges assumées en l’occurrence par le canton et par les employeurs.