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«Tempête Rouge» aux Etats-Unis, et la «somme de toutes les peurs» en Europe

Empruntons au romancier Tom Clancy pour décrypter le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et ses conséquences jusqu’en Suisse.

«La première chose à clarifier, tant cela a été clamé en fin de campagne, est de savoir si le mouvement de Donald Trump peut être qualifié de fasciste. Cette notion de fascisme n’est donc absolument pas pertinente.»
KEYSTONE
«La première chose à clarifier, tant cela a été clamé en fin de campagne, est de savoir si le mouvement de Donald Trump peut être qualifié de fasciste. Cette notion de fascisme n’est donc absolument pas pertinente.»
Jacques Boschung
CEO - Halborn
11 novembre 2024, 15h30
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Le 5 novembre dernier, les Etats-Unis ont vécu un moment d'intensité électorale digne des intrigues de Tom Clancy, le maître du roman politique-fiction et le créateur du personnage de Jack Ryan. Dans un monde où la géopolitique domine depuis l’agression russe en Ukraine, cette tempête rouge républicaine, avec ses résultats fulgurants, fait ressurgir des questions stratégiques majeures auxquelles l’Europe ne peut se dérober.

La première chose à clarifier, tant cela a été clamé en fin de campagne, est de savoir si le mouvement de Donald Trump peut être qualifié de fasciste? En fait, ces allégations simplistes produits de vieux réflexe de gauche – comme le montre l’historiographie - occultent les véritables enjeux de sa politique. Même si certains attributs du «Trumpisme» comme le culte du chef, le nationalisme extrême ou l’exaltation de la violence sont bien présents, les moteurs du fascisme que sont le corporatisme économique, le bellicisme, la répression des minorités ainsi que la militarisation de la société en sont absents. Cette notion de fascisme n’est donc absolument pas pertinente pour Donald Trump. Loin des clichés, il est vital de se concentrer sur ce qui intéresse réellement l’Europe: les implications économiques et géopolitiques.

Géopolitique d’abord… Une éventuelle reconfiguration de l’Otan, couplée à un contexte de guerre aux portes de l’Union Européenne (UE), rappelle justement l’intrigue de «Tempête rouge». Dans ce roman, Clancy imagine un affrontement est-ouest direct sur le sol allemand. Le roman décrit les différents champs de bataille de façon si réaliste qu’il est commenté dans les académies militaires américaines.

La survie et la souveraineté européenne, qui ont jusqu'à présent reposé sur l'Alliance atlantique, appellent désormais de nouvelles réponses.

Jacques Boschung

Aujourd’hui, c’est l'Ukraine qui constitue la première ligne de défense contre cette volonté hégémonique renouvelée. Mais que se passerait-il si l'UE devait précisément se trouver en première ligne, on pense aux Pays Baltes et à la Pologne ? La victoire de Trump incitera-t-elle l’Europe à prendre son destin militaire en main, à l’image de ce qu’elle fait dans le domaine économique ?

La survie et la souveraineté européenne, qui ont jusqu'à présent reposé sur l'Alliance atlantique, appellent désormais de nouvelles réponses. De plus, la géopolitique mondiale révèle également une imbrication croissante des théâtres d’opération. Les décisions américaines sur le conflit ukrainien trouvent un écho dans la zone de tension Chine-Taïwan, enjeu stratégique majeur pour les Etats-Unis.

La nouvelle administration américaine fera-t-elle preuve de myopie aiguë en sacrifiant l'Ukraine sur l'autel de la paix à tout prix? Une telle approche risquerait de provoquer un véritable tremblement de terre parmi ses alliés traditionnels en Asie-Pacifique, à commencer par le Japon, la Corée du Sud et l'Australie. Jusqu'à quel point l’Europe comprendra-t-elle cette interdépendance et saura-t-elle en tirer des leçons? Lorsqu’un gendarme mondial raccroche matraque et menottes, les conséquences sont dramatiques…

Economie et Suisse finalement… Fort de sa neutralité, notre pays est légitimement plus intéressé par l’agenda «business» de la nouvelle administration qu’aux conséquences politico-stratégiques. On évoque nos 49 milliards de francs d’exportation vers les Etats-Unis, soit 18% du total et notre plus gros marché en se rassurant avec le fait que les administrations républicaines nous ont toujours été plus favorables que les Biden, Obama et autre Clinton… Vraiment? on parle ici du Trumpisme et non plus des Républicains atlantistes… On parle d’un président qui trouve le mot «tarif» merveilleux et rêve d’un protectionnisme revanchard dans un contexte ou le franc va prendre l’ascenseur jusqu’à valoir 1,25 dollar en fin 2025, selon les dernières prévisions. Il va falloir s’accrocher…

Finalement, c’est un autre roman de Clancy «La somme de toutes les peurs», une intrigue sur fonds de menace nucléaire, qui est probablement le plus adapté pour conclure cette réflexion: peur d’une guerre commerciale sans merci, peur d’un franc en ascension verticale, d’une paix continentale imposée aux dépends de l’Ukraine qui serait une carte blanche pour les futures agressions de Vladimir Poutine, peur d’un dérapage nucléaire, peur d’une monté d’un populisme débridé drapé de certains oripeaux d’un passé nauséabonds.

Dur réveil pour nos démocraties libérales qui vont devoir puiser dans toutes leurs ressources pour faire face à un Monde… résolument Nouveau.