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«Tariffs», innovation et le syndrome des Galápagos

Ce que l'histoire enseigne sur le protectionnisme, qui se reproduira avec celui de Donald Trump.

«L’effet du protectionnisme est hyper dangereux pour l’avenir d’un pays et sa capacité de rivaliser avec les autres.»
KEYSTONE
«L’effet du protectionnisme est hyper dangereux pour l’avenir d’un pays et sa capacité de rivaliser avec les autres.»
Pascal Eichenberger
Manufacture Thinking - Membre
Xavier Comtesse
Manufacture Thinking - Mathématicien et président
07 avril 2025, 10h24
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Les récentes annonces de l’administration américaine concernant les taxes douanières («Tariffs») ont fait couler beaucoup d’encre. Même si ces dernières ne sont là que pour arracher des concessions commerciales, elles procèdent d’une idée fondamentalement protectionniste, voire de l’isolationnisme de l’Amérique «trumpiste».

Cependant elles entraînent des faiblesses à long terme de la capacité d’innovation. En effet, lorsque vous «favorisez» vos entreprises et vos centres de recherche par rapport à la concurrence internationale en essayant de leur donner un avantage compétitif, vous les éloignez d’une saine concurrence propice à l’innovation. C’est ce que veut faire Donald Trump dans sa tentative désespérée de réindustrialisation du pays.

Cette stratégie protectionniste porte un nom: le syndrome des Galápagos.  Il a été expérimenté dans les années 80/90 par le Japon. Aujourd’hui, cette expérience est très bien documentée. Elle a donné des résultats catastrophiques.

Petit tour historique.

D’abord, le terme fait référence à Darwin et à son exploration des îles Galápagos. Il y découvre des espèces endémiques n’ayant évolué que sur des caractéristiques hyperfocales répondant aux besoins imposés par l’isolement.

Ensuite, le Japon a totalement raté depuis les années 80 des virages technologiques importants dus à une stratégie hyperprotectionniste faite de taxes et de régulations très contraignantes allant contre le flux naturel des importations notamment de produits agricoles mais aussi de voitures, etc. Ces barrières formaient un obstacle coûteux aux entreprises étrangères et leurs produits.

Ce que vient de faire l’administration américaine, c’est freiner la capacité d’innovation du pays et donner une réelle chance à la Chine pour devenir le premier pays innovant au monde.

Pascal Eichenberger et Xavier Comtesse

L’exemple le plus frappant est comment le Japon n’a pas pris à temps le virage du numérique. Le pays était à cette époque très concentré sur les valeurs de production et de fabrication de produits physiques, le logiciel était secondaire. Ainsi, Sony rate les smartphones, Canon la photographie digitale et NTT Docomo la 5G.

D’autres exemples confirment les effets désastreux du protectionnisme comme dans le domaine automobile par exemple, les «keijidōsha» sont des voitures légères qui bénéficient d’avantages fiscaux uniquement au Japon et qui, de fait, ne sont vendues que dans le pays. Une sorte de voiture endémique!

L’exemple le plus troublant est sans doute celui de la technologie i-mode permettant d’accéder à internet sur les premiers téléphones et qui n’a que peu été adoptée dans le reste du monde et a depuis été supplantée par les smartphones. Cependant des téléphones moyen-bas de gamme ont perduré au Japon avec cette technologie. Citons notamment le «pokeberu» (pocket bell, une sorte de bipeur) produit dans les années 1990, encore en production jusqu’en 2019.

Bref, pas besoin de continuer à énumérer les exemples, on voit immédiatement que l’effet du protectionnisme est hyper dangereux pour l’avenir d’un pays et sa capacité de rivaliser avec les autres.

Ce que vient de faire l’administration américaine, c’est freiner la capacité d’innovation du pays et donner une réelle chance à la Chine pour devenir le premier pays innovant au monde. Ce n’était pas la rhétorique électorale de Trump mais cela va devenir une vraie réalité.