Une série d’annonces inhabituelles de Rolex nous interroge. D’abord, construire une usine à Bulle, en dehors des territoires du savoir-faire horloger traditionnel du Jura, a surpris. Puis abandonner leur publicité sur les pistes de la F1 ou encore d’arrêter la production des montres fabriquées sous la marque Carl. F. Bucherer que Rolex venait pourtant de racheter en 2023.
Mais plus surprenant encore, Rolex possède pour la première fois des magasins en propre avec le rachat Bucherer ce qui allait forcément créer des frictions avec l’ancien réseau de distribution. Enfin, produire un nombre très important de montres (depuis deux ans environ à hauteur de 1,2 million), tout en regardant la petite sœur Tudor stagner (faiblesse du marché chinois oblige, mais pas seulement).
Autant de prises de position non conventionnelles auxquelles le leader incontesté du marché suisse du luxe horloger ne nous avait pas habitués. Interrogations?
Avec un chiffre d’affaires annuel estimé dépassant les 10 milliards de francs, Rolex domine largement le paysage horloger suisse. C’est le mastodonte suisse. Il est donc important de comprendre ce qui se passe chez eux. Toute l’évolution du secteur en dépend. Deux aspects à prendre en compte: la désirabilité des montres et leurs prix.
Second et premier marchés
Les Rolex de tout temps ont été désirables. La période du Covid les avait rendues encore plus désirables. Le dernier rapport de Chrono24 sur le comportement des acheteurs sur le second marché le confirme. Après que les Rolex se sont envolées à 44% de parts de marché en 2022, elles sont retombées à 34% en 2024. Un recul important qui signale une normalisation, mais aussi un petit revers pour l’horloger à la couronne.
Ne nous trompons pas, les liens entre second marché et marché premier sont forts. Ils évoluent en miroir, comme le dit le fin connaisseur Gregory Pons. Qui ajoute que l’on assiste peut-être à un retournement de situation: il est certain qu’il y a moins d’acheteurs pour payer autant et le succès de très belles marques indépendantes moins onéreuses semble être là pour le confirmer. Car les petits ruisseaux font les grandes rivières. A suivre.
Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel*
Le récent rapport annuel de la banque Morgan Stanley sur l’horlogerie suisse montre des chiffres intéressants comme les 33% de parts de marché de Rolex ou le prix moyen par montre de 13.139 francs (une progression constamment supérieure à l’inflation). Ce qui démontre à la fois une propension à fabriquer beaucoup (les sommets de 2023 et 2024) à un prix moyen élevé? Est-ce soutenable dans un monde où le luxe est en recherche de croissance (résultats de LVMH).
De manière plus générale, les ventes dépendent de l’attitude des consommateurs et ceux-ci craignent toujours les situations de tensions politiques ou économiques. Les pressions internationales exercées par l’administration Trump ne sont à cet égard pas bonnes du tout pour le commerce. De plus, à long terme, la population mondiale va régresser, cela a déjà commencé au Japon et en Chine, et donc un jour ou l’autre, l’effet va se ressentir et la production finira par diminuer.
*C’est un «meme» bien connu du monde boursier.