Les murs du Grand Palais tremblent encore du choc des cultures qui a eu lieu lors du récent sommet mondial sur l’intelligence artificielle (IA). Les Etats-Unis, par la bouche de leur vice-président, veulent pousser leur avantage en investissant massivement et en régulant le moins possible.
En face, une soixantaine de pays, dont la Chine et l’Inde défendent une approche plus ouverte et encadrée, afin d’augmenter la confiance envers les systèmes d’IA, tout en les rendant largement accessibles. Et au milieu, il y a la Suisse, qui a signé les déclarations du sommet de Paris et dont le Conseil fédéral vient de publier ses orientations relatives à la régulation de l’IA. La voie choisie est judicieuse, en visant d’abord à bénéficier pleinement des avantages apportés par cette nouvelle technologie, tout en intervenant là où c’est nécessaire pour contrer d’éventuelles dérives.
Les lois existantes permettent déjà de traiter de nombreuses questions ouvertes par l’utilisation de l’IA. Le Conseil fédéral l’a confirmé en choisissant d’intervenir si besoin dans des domaines bien précis et en limitant les réglementations générales à des questions fondamentales, comme la protection des données ou de la vie privée. De la sorte, il évite le piège d’une réglementation spécifique de l’intelligence artificielle. Celle-ci serait dépassée avant même d’entrer en vigueur, compte tenu de la vitesse d’évolution dans ce domaine et du caractère protéiforme de ces nouveaux outils.
Imaginez ce qui se passerait si les entreprises et les centres de recherche suisses ne pouvaient pas utiliser l’IA au moins sur un pied d’égalité avec leurs concurrents.
Une telle régulation aurait été le plus sûr moyen de freiner tant la recherche que l’utilisation de l’IA en Suisse. Le projet évoque aussi le recours à des régulations privées, en complément de la législation. Le moment venu, il y aura un écueil à contourner habilement: celui d’assurer la compatibilité des règles suisses avec celles des principaux partenaires commerciaux, sans reprendre ces dernières.
La trajectoire choisie paraît très adéquate pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, soit l’amélioration de la confiance envers l’IA, la protection des droits fondamentaux et le renforcement de la Suisse comme lieu d’innovation. Cet aspect est évidemment essentiel pour le futur économique du pays, dont l’innovation est le moteur. Imaginez ce qui se passerait si les entreprises et les centres de recherche suisses ne pouvaient pas utiliser l’IA au moins sur un pied d’égalité avec leurs concurrents. Ce d’autant plus que le «biotope IA suisse» est idéal pour tirer profit de ces nouveaux outils, que ce soit par la qualité de la formation ou l’excellence de la recherche publique et privée.
L’intelligence artificielle est une innovation au moins aussi importante que l’arrivée d’Internet. A l’époque, elle avait suscité l’enthousiasme et personne ou presque n’avait milité pour corseter cette nouveauté avant même de commencer à l’utiliser. Notre pays peut et doit suivre sa propre voie par rapport à l’IA: une voie qui tient compte des risques et des spécificités suisses, mais une voie fondamentalement ouverte à cette nouvelle technologie.