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Nous avons tous déjà gagné au loto

Nous vivons dans le plus beau pays du monde. Si tout cela n’est pas dénué de côtés négatifs, il ne faut pas détruire le mécanisme parce qu’il y a une fuite quelque part.

«L’intérêt général disparaît de plus en plus souvent au profit du particulier. Comme récemment alors qu’une seule commune bloque un projet autoroutier d’importance nationale dans l’Ouest lausannois.»
KEYSTONE
«L’intérêt général disparaît de plus en plus souvent au profit du particulier. Comme récemment alors qu’une seule commune bloque un projet autoroutier d’importance nationale dans l’Ouest lausannois.»
Baptiste Müller
Centre patronal - Responsable de l’action politique
06 février 2025, 18h30
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Je ne joue jamais au loto. En tant qu’«agent économique rationnel», je sais que l’espérance de gain est négative. La maison gagne toujours. Mais j’ai récemment acheté un billet, un peu sur un coup de tête. La faute à une publicité qui annonçait un jackpot exceptionnel, quelque chose comme 28 millions de francs, je ne me souviens plus.

C’est bien 28 millions: de quoi arrêter de travailler, se consacrer à d’autres projets. Bon, si mon chef lit ces lignes, qu’il soit rassuré: j’adore mon job. Mais je suis honnête aussi, avec un montant comme ça, les priorités changent. Et puis il faut dire que ma fille venait de naître. Ça donne envie d’avoir du temps. Et donc j’ai craqué.

Je vous le dis tout de suite, je n’ai rien gagné. Sans surprise. Et puis ça m’a fait réfléchir. Est-ce qu’on n’aurait pas déjà tous gagné au loto, au fond? Nous vivons, très objectivement bien sûr, dans le plus beau pays du monde. Une économie en croissance régulière, qui amène prospérité et chômage faible. Tout cela de manière très durable. Un potentiel d’innovation parmi les plus élevés du monde. Une monnaie très forte qui donne un pouvoir d’achat international inégalé, par exemple pour voyager. Un excellent système de formation avec une bonne dose d’égalité des chances et qui offre de nombreuses cartes pour réussir. Une stabilité institutionnelle et légale qui rassure, surtout en regardant ces jours de l’autre côté de l’Atlantique. La Suisse n’est pas une île. Mais quand même, on a vraiment de la chance de vivre ici.

Il faut surtout agir sur les conséquences négatives de l’incroyable machine à bonheur et à prospérité qu’est la Suisse

Baptiste Müller

Tout cela n’est pas dénué de côtés négatifs. Les transports publics sont bondés et les bouchons sont légion. Les infrastructures, globalement, ne suivent pas. Et que dire du logement? Malgré les efforts de la branche, il est toujours plus difficile de construire. Les grands projets qui passent la rampe lors des votations locales sont l’exception plutôt que la norme. Il y a une sorte de ras-le-bol latent. On met en avant la disparition d’un «poumon vert», qui est en général un bête champ d’herbe ou quelques arbres dont personnes ne se souciait jusqu’alors; mais ce sont souvent les riverains qui sont à la manœuvre.

L’intérêt général disparaît de plus en plus souvent au profit du particulier. Comme récemment alors qu’une seule commune bloque un projet autoroutier d’importance nationale dans l’Ouest lausannois.

Ce ras-le-bol s’exprime à l’encontre de différents sujets: immigration, frontaliers, regroupement familial, Suisse à 10 millions d’habitants… Il faut l’entendre. Mais je crois qu’il faut surtout agir sur les conséquences négatives de l’incroyable machine à bonheur et à prospérité qu’est la Suisse. Il ne faut pas détruire le mécanisme parce qu’il y a une fuite quelque part. Rangez les marteaux et sortez les rustines! Construisons, investissons dans l’infrastructure, poursuivons les bilatérales, permettons une économie prospère. On a tous déjà gagné au loto et même le joker. Alors ne brûlons pas notre ticket.