Le canton de Vaud plafonne les primes d’assurance maladie à 10% du revenu et le canton du Valais est tenté de suivre cet exemple. De même, revient de temps en temps l’idée fixe de mettre une caisse publique en concurrence avec les caisses privées ou d’imposer une caisse unique. Toujours dans l’optique de soulager la classe moyenne qui ne supporte plus la charge de la cotisation.
Ces remèdes prétendus participent d’un fantasme: en modifiant le système des paiements, cela coûterait moins cher. C’est évidemment une illusion. La facture reste la même mais ce ne sont plus les mêmes qui paient: une partie est prise en charge par l’Etat, entité indéfinie disposant apparemment de ressources infinies, alors qu’elles proviennent intégralement des impôts. Donc ce que l’on vise ce n’est que de faire payer ses soins de santé par d’autres. Surtout si soi-même on ne paie pas ou presque d’impôts, cela revient à refiler la facture aux «riches». C’est une opération larvée de redistribution. Elle fait l’impasse sur le montant de la facture: est-elle appropriée, ne couvre-t-elle pas des frais inutiles?
Une fois l’assurance payée, on peut considérer les soins comme gratuits et ne pas hésiter à y recourir pour un bobo
Jacques Neirynck
La Suisse dépense 11,7% de son PIB en soins de santé. C’est du même ordre que les pays voisins Allemagne 12,6%., France 11,9%, Autriche 11,4%. C’est beaucoup moins que les 18,2% des Etats-Unis. Avec un résultat étonnant, la Suisse jouit d’une espérance de vie à 83,4 années, deuxième au monde après celle du Japon, tandis que les Etats-Unis s’inscrivent en position 35 avec seulement 78,1 années. Il ne suffit donc pas de dépenser beaucoup pour promouvoir la santé. Le système américain possède des défauts majeurs, dont le principal est sans doute l’inégalité entre les patients.
En revanche la comparaison internationale est flatteuse pour la Suisse: elle atteint un excellent résultat avec une facture dans la moyenne. Le seul débat possible porte donc sur la répartition de la charge. Ou plutôt sur la nature de celle-ci. Une assurance obligatoire des soins de santé mélange deux catégories: d’une part les milieux aisés qui bien évidemment peuvent supporter le coût d’une boîte de Dafalgan ou un accouchement, mais qui seraient dépassés par les frais d’une opération à cœur ouvert; ils ont donc besoin d’une vraie assurance qui couvre les gros risques et fonctionne avec une franchise élevée. Le coût de ce type d’assurance serait par nature peu élevé et parfaitement supportable.
D’autre part, il y a les milieux défavorisés pour lesquels tout soin de santé est trop cher dans un budget qui couvre avec peine l’indispensable. La solidarité nationale doit agir à plein et proposer une médecine gratuite financée par les impôts de tous.
Ce sont deux types de financement qui devraient être distingués. En mettant tout le monde dans le même panier on aboutit au système actuel amendé par des subsides pour les milieux défavorisés. Entre-temps, l’assurance maladie constitue une vaste ressource dans laquelle tous peuvent puiser même si ce n’est pas indispensable. Une fois l’assurance payée, on peut considérer les soins comme gratuits et ne pas hésiter à y recourir pour un bobo.