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La tentation de réglementer la durabilité

La proposition du Conseil fédéral de soumettre toutes les entreprises de plus de 250 emplois à des règles de «transparence en matière de durabilité» suscite de vives protestations, à raison.

La transparence demandée par le Conseil fédéral «consisterait à collecter et analyser des données destinées à alimenter de volumineux rapports qui nécessiteraient une importante charge de travail et devraient ensuite être soumis à de coûteuses vérifications par des cabinets d’audit.»
La transparence demandée par le Conseil fédéral «consisterait à collecter et analyser des données destinées à alimenter de volumineux rapports qui nécessiteraient une importante charge de travail et devraient ensuite être soumis à de coûteuses vérifications par des cabinets d’audit.»
Pierre-Gabriel Bieri
Centre patronal - Secrétaire patronal, politique générale
05 décembre 2024, 15h00
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La question de la durabilité des entreprises, en soi, n’est pas nouvelle. A toutes les époques, certains entrepreneurs ont réfléchi au caractère durable de leur action. Ce qui a changé aujourd’hui, c’est que la «société civile» exige désormais un droit de regard sur les efforts que les entreprises font ou ne font pas dans ce domaine. Des clients ou des investisseurs cherchent des informations à ce sujet et sanctionnent à leur manière les entreprises qui n’en fournissent pas.

Chacun aura son avis sur cette évolution, mais les entreprises, elles, l’abordent de manière pragmatique: beaucoup d’entre elles publient désormais des rapports sur leurs actions en matière de durabilité et sur les critères qu’elles se fixent dans les domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Elles s’engagent la plupart du temps de manière volontaire.

En Suisse, seul un nombre restreint de grandes entreprises sont actuellement soumises à des obligations légales dans ce domaine. Le Code des obligations impose la publication d’un «rapport sur les questions non financières» aux sociétés qui comptent au moins 500 emplois à plein temps, dont le total au bilan dépasse 20 millions de francs et dont le chiffre d’affaires dépasse 40 millions. Cela concerne quelque 300 entreprises.

La durabilité n’est pas seulement environnementale, mais aussi sociale et économique, et le premier objectif de durabilité d’une entreprise est d’exister durablement.

Pierre-Gabriel Bieri

Pourtant la tentation réglementaire guette. Des revendications demandent que les institutions de prévoyance soient contraintes de se fixer des objectifs ESG en matière de placements et de rendre compte de la manière dont elles les respectent – alors même qu’un nombre croissant de ces institutions suivent déjà cette pratique.

Cet été, le Conseil fédéral a lancé un «ballon d’essai» en proposant que toutes les entreprises de plus de 250 emplois soient soumises à des règles de «transparence en matière de durabilité». Cette transparence consisterait à collecter et analyser des données destinées à alimenter de volumineux rapports qui nécessiteraient une importante charge de travail et devraient ensuite être soumis à de coûteuses vérifications par des cabinets d’audit. Le projet mis en consultation – qui a suscité de vives protestations – s’inspire de l’Union européenne (UE), qui s’apprête à mettre en place une «directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises» (CSRD). L’objectif est d’aider les marchés financiers à n’investir que dans des sociétés durables.

La liberté actuellement laissée aux entreprises leur permet de se fixer des objectifs de durabilité pragmatiques, adaptés à leur diversité et à leur typologie, atteignables et certifiables à un coût abordable – la principale exigence étant qu’ils soient compréhensibles et comparables dans le temps. Cette liberté permet aussi de rappeler que la durabilité n’est pas seulement environnementale, mais aussi sociale et économique, et que le premier objectif de durabilité d’une entreprise est d’exister durablement.

En voulant réglementer cette mécanique qui fonctionne, on prend le risque de la rendre infiniment plus coûteuse et moins utile.