En 2024, les levées de fonds des start-up suisses poursuivent leur chute, avec un recul de 8,5%, prolongeant le déclin amorcé en 2023 (-34,8%). Dans ce contexte, Genève affiche pourtant son deuxième meilleur résultat historique en dix ans, avec 265,4 millions de francs levés.
Un succès? Oui, mais à relativiser. Car si la performance est encourageante, Genève reste globalement loin derrière Zurich et Vaud, qui captent l’essentiel des investissements. Le nombre de tours de financement et de levées de fonds est bien plus faible à Genève, et la création de start-up y est moins importante que chez ses voisins, indiquant une dynamique entrepreneuriale plus limitée.
Ce décalage ne se résume pas à une simple question de financement. Il tient avant tout à une vision à long terme. A Zurich, par exemple, l’innovation repose sur une stratégie patiemment construite, qui a su façonner un écosystème attirant des géants comme Google, Meta, IBM, Microsoft, OpenAI ou, plus récemment encore, TikTok. Les choix stratégiques pris en amont sont à l’origine de cette dynamique: des infrastructures adaptées, une synergie efficace entre recherche et industrie ainsi qu’un environnement attractif pour les talents et les investisseurs.
Attirer et retenir des talents qualifiés devient un véritable casse-tête dans un marché immobilier ultra-tendu
Karine Curti
Là où Zurich a su bâtir un écosystème propice à l’innovation, Genève peine encore à mettre en place des conditions cadre aussi compétitives, malgré des atouts indéniables et une grande diversité économique. Les infrastructures en sont un exemple criant: les entreprises ont besoin de locaux à des coûts acceptables, dans des zones bien équipées, tandis que le canton doit pouvoir loger une plus grande part de sa population active.
De fait, attirer et retenir des talents qualifiés devient un véritable casse-tête dans un marché ultra-tendu. A cela s’ajoute une mobilité sous pression: des infrastructures de transport souvent saturées qui compliquent le quotidien des actifs et pèsent sur l’efficacité économique.
A ces contraintes structurelles s’ajoute une fiscalité peu incitative. Qu’il s’agisse de l’imposition sur le revenu ou de celle relative à l’outil de travail, Genève applique les taux d’imposition maximaux les plus élevés de Suisse combinés aux pratiques de valorisation des entreprises les plus strictes, limitant la capacité des entrepreneurs à investir et à croître. Autant d’obstacles qui freinent l’essor d’un tissu entrepreneurial pourtant plein de potentiel.
Outre ces aspects financiers, c’est aussi la complexité administrative qui freine l’initiative privée. Le récent lancement du «Guichet entreprises», conçu pour faciliter la vie des entrepreneurs, est une avancée bienvenue de la part des autorités. Un signal positif, certes, mais qui doit s’inscrire dans une dynamique plus large pour avoir un réel impact.
La concurrence entre les places économiques s’intensifie. Et l’enjeu n’est plus seulement de préserver ses acquis, mais d’anticiper l’avenir et de structurer une stratégie ambitieuse. Ce qui compte avant tout, c’est de capitaliser sur les atouts du canton, renforcer sa compétitivité et créer un environnement réellement propice aux entrepreneurs.
Genève a les ressources pour jouer un rôle de premier plan, encore faut-il se donner les moyens de ses ambitions.